publi� le mercredi 26 d�cembre 2007
le Monde du 26 d�cembre 2007
Benjamin Barthe
Lorsqu’elle a appris, � la mi-octobre, que la Mairie de Paris avait dress�, dans un square du 12e arrondissement, un portrait g�ant de Gilad Shalit, le soldat franco-isra�lien retenu prisonnier dans la bande de Gaza par le Hamas, ainsi que ceux des deux soldats isra�liens captur�s durant l’�t� 2006 par le Hezbollah, Denise Hamouri n’a pu r�primer un soupir de d�pit.
Cette native de Bourg-en-Bresse, mari�e depuis plus de vingt ans � un Palestinien de J�rusalem et habitante d’un quartier arabe de la Ville sainte, est la m�re de Salah Hamouri, un jeune homme de 22 ans, accus� d’avoir tremp� dans un complot destin� � assassiner le rabbin Ovadia Yossef, guide spirituel du Shass, le parti s�farade.
Bien qu’il soit autant fran�ais que Gilad Shalit, dont le p�re, Noam, a rencontr� Nicolas Sarkozy le 9 juillet, Salah Hamouri, emprisonn� depuis deux ans et demi en Isra�l, doit se contenter, pour tout soutien, de la visite des agents du consulat fran�ais de J�rusalem. En r�ponse � un courrier �lectronique de sa m�re qui d�plorait un "deux poids, deux mesures", le Quai d’Orsay a r�cus� toute analogie entre les deux binationaux. "Le soldat (Shalit) a �t� pris en otage (...) et nous essayons d’obtenir sa lib�ration (...). Votre fils est emprisonn� par les autorit�s isra�liennes dans le cadre d’une proc�dure judiciaire dans laquelle nous ne pouvons pas interf�rer."
L’affaire remonte au 13 mars 2005, date de l’arrestation du jeune Franco-Palestinien. A l’�poque, la presse locale, "sources s�curitaires" � l’appui, �voque les "rep�rages" auxquels Salah et deux autres jeunes Palestiniens se seraient livr�s autour du domicile du rabbin Yossef, c�l�bre pour ses invectives anti-Arabes. Membres de la branche �tudiante du Front populaire de lib�ration de la Palestine (FPLP), un petit parti de gauche, les trois complices suppos�s auraient entrepris de se procurer des "armes" et �tabli des "contacts" avec Ahmed Saadate, le chef du FPLP alors incarc�r� � J�richo, pour son r�le dans l’assassinat de Rehavam Ze’evi, l’ex-ministre du tourisme isra�lien, en octobre 2001.
"Justice � deux vitesses"
Deux ans et des dizaines d’interrogatoires plus tard, le dossier en cours d’examen par le tribunal militaire d’Ofer, en Cisjordanie, para�t mince. Salah Hamouri a certes reconnu �tre pass� en voiture devant la maison d’Ovadia Yossef, dans le quartier Har Nof de J�rusalem, � l’initiative d’un de ses camarades, Moussa Darwish, qui avait livr� des l�gumes dans le pass� chez le rabbin et voulait r�fl�chir � un plan pour l’assassiner. Mais, d’apr�s son avocate, L�a Tsemel, ledit complot n’est pas all� plus loin : "Ils ont roul� au ralenti, vu une cam�ra, fait demi-tour et n’en ont plus parl� apr�s. Les enqu�teurs n’ont trouv� aucune arme et aucun �l�ment susceptible de prouver qu’ils �taient d�cid�s � passer � l’acte. Il s’agit d’un acte stupide, une bravade, rien de plus."
Tout amateur et embryonnaire f�t-il, ce projet risque de co�ter tr�s cher au jeune Franco-Palestinien. La charge de "complot" est passible de sept ann�es de prison devant un tribunal militaire isra�lien. Moussa Darwish - parce qu’il est un habitant de J�rusalem et donc a �t� jug� plus rapidement - a d�j� �t� condamn� � douze ans d’incarc�ration. "C’est �videmment une justice � deux vitesses, dit L�a Tsemel. Les colons juifs qui avaient pos� en 2003, � l’entr�e d’une �cole palestinienne de J�rusalem, une bombe qui avait �t� d�samorc�e � la derni�re minute, ont eux aussi �cop� de douze ans de prison. La diff�rence de gravit� (...) est pourtant flagrante."
Sans illusions sur la justice isra�lienne, d��ue par la frilosit� du Quai d’Orsay, Denise Hamouri a eu l’id�e, en juin dernier, d’�crire � Noam Shalit. Peut-�tre parce qu’il traverse une �preuve similaire et parce qu’il conna�t "le probl�me des prisonniers palestiniens", ce dernier a paradoxalement su trouver les mots que les diplomates fran�ais se refusent � prononcer. Dans un courrier sobre et sensible, il d�plore l’arrestation de Salah, partage la douleur de la famille Hamouri et prie en conclusion pour "les lib�rations imminentes de (leurs) fils".
A Paris, le 11 novembre, des militants propalestiniens ont remplac� les portraits des trois soldats isra�liens par une banderole en hommage aux "11 000" prisonniers palestiniens.
Benjamin Barthe (J�rusalem, correspondance)