OTAGES FRANCAIS : informations et actions de sensibilisation

DOCUMENTATION SUR LES OTAGES

(JPG) Mobilisation pour Guy-Andre Kieffer, journaliste français disparu en Côte d’Ivoire

(JPG) Michel Germaneau : otage français enlevé au Niger le 19 avril 2010

OTAGES AFGHANISTAN : HERVE GUESQUIERE ET STEPHANE TAPONNIIER, LIBRES !

A SPECTS JURIDIQUES - Droit des Otages et Disparus

20 juin 2013 - L’OTAGE EN DROIT Patrick Morvan Professeur à l’université Panthéon-Assas(*) Co-directeur du Master 2 de criminologie

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Patrick Morvan, Professeur à l’université Panthéon-Assas

L’OTAGE EN DROIT Patrick Morvan Professeur à l’université Panthéon-Assas(*) Co-directeur du Master 2 de criminologie

1. - Définition. Autrefois, l’otage était un gage fourni afin de garantir l’exécution d’une promesse ou d’un traité : les otages, logés dans la maison du souverain auprès duquel ils avaient été envoyés, servaient de sûreté ou de caution. Si cette pratique a disparu, l’otage demeure fondamentalement une sûreté, une garantie. Son enlèvement et sa séquestration (deux actes préparatoires sans lesquels on ne devient pas otage) tendent :

-  à prévenir des troubles, une attaque ou un attentat, que ce soit contre une puissance occupante ou colonisatrice (ainsi du système très élaboré du devchirmé dans l’empire ottoman ou de la détention préventive des notables d’une ville aux mains d’un envahisseur) ou contre des criminels de droit commun (ainsi du hold up avec prise d’otages) ;

-  à exercer un chantage préalable à des représailles, lorsque les troubles, l’attentat ou l’attaque ont finalement eu lieu (ex. : la puissance occupante arrête un certain nombre d’habitants du territoire où a été commis un attentat et menace de les exécuter si les coupables ne se livrent pas) ;

-  à obtenir une rançon (de la capture de Richard Cœur de Lion en 1192 à son retour de croisade ou celle de François Ier à la bataille de Pavie en 1525... à l’industrie du kidnapping en Amérique du Sud ou en Afrique sahélienne). Celle-ci peut-être travestie sous une qualification honorable ; les groupes ou États terroristes, qui cherchent à financer leurs activités sinon accroître la richesse de leurs dirigeants, aiment à dissimuler leurs motivations crapuleuses sous des idéaux élevés et un voile de légalité ;

-  à servir de monnaie d’échange, notamment contre la libération d’autres otages (selon un taux de parité très variable : un espion russe contre un espion américain au temps de la Guerre froide ; un soldat israëlien contre cent prisonniers palestiniens de nos jours). En somme, l’otage est une personne qui se trouve (de gré ou de force) au pouvoir d’une autre personne ou d’une partie à un conflit (armé ou non, interne ou international) et qui répond sur sa liberté, son intégrité physique ou sa vie de l’exécution des ordres donnés par la personne qui la détient ou d’un acte hostile qui serait commis contre elle. 2. - Rétention et réification de la personne. Le droit distingue les sûretés réelles (portant sur une chose, tel le gage ou l’hypothèque) et les sûretés personnelles (reposant sur un engagement conventionnel de payer en cas de défaillance du débiteur principal). La prise d’otage a ceci de singulier et de profondément contraire à la dignité humaine qu’elle traite une personne comme une chose. De même qu’un créancier peut, sous diverses conditions, exercer un « droit de rétention » sur la chose appartenant à son débiteur jusqu’au complet paiement de sa créance (ex. : le garagiste retient le véhicule réparé de son client impécunieux), le preneur d’otage prétend exercer un « droit de détention » sur le corps humain jusqu’à ce qu’il obtienne l’avantage escompté. Or, d’une part, rien n’autorise à traiter une personne comme une chose, fût-ce pour le paiement d’une créance légitime (dernier vestige du droit romain et de l’Ancien droit, la « contrainte par corps », autrement dit la “prison pour dette”, a été abrogée dans les matières civile et commerciale par une loi du 22 juillet 1867 puis en matière fiscale et douanière par une loi du 9 mars 2004 ). Le principe d’indisponibilité du corps humain interdit que celui-ci fasse l’objet d’un commerce juridique (tel le trafic d’organes ou de tissus humains). L’interdiction des traitements humiliants ou dégradants exclut qu’il serve de garantie à l’exécution d’une quelconque obligation pécuniaire (une peine privative de liberté étant au contraire la sanction légitime d’un crime ou d’un délit). En ce qu’elle réifie le corps humain, la prise d’otage est, par essence, un « traitement humiliant ou dégradant » au sens des instruments protecteurs des droits de l’homme (CEDH, art. 3 ; PIDCP, art. 7).

D’autre part, le preneur d’otage est un « créancier » auto-proclamé. L’avantage qu’il revendique à son profit ne découle que de ses propres allégations, de sa volonté arbitraire : il proclame, par exemple, qu’il a droit à une rançon ou qu’il est fondé à imposer à autrui le respect de son idéologie ou de son autorité. Il n’exerce aucun droit : il usurpe le droit. Ce dessein explique d’ailleurs l’acharnement des groupes terroristes et mafieux à parer leurs revendications du vêtement de la légalité ou, du moins, de la Justice (la prise d’otage est justifiée par la vengeance d’un peuple opprimé, par la défense d’un idéal religieux, moral, social ou politique, par une redistribution altruiste des richessses façon « Robin des bois », etc.).

3. - Plan. Le droit international a peu à peu façonné le statut juridique de l’otage (I). Mais il se borne à poser le gros œuvre. Le droit interne apporte à l’édifice des contours plus précis mais il reste inachevé (II).

I. - L’OTAGE EN DROIT INTERNATIONAL

4. - Crime de guerre. Le Statut du tribunal international militaire du 8 août 1945 (art. 6, b) mentionnait, parmi les crimes de guerre (« c’est-à-dire les violations des lois et coutumes de la guerre ») commis pour le compte des pays européens de l’Axe, « l’assassinat, les mauvais traitements et la déportation pour des travaux forcés ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages (...) que ne justifient pas les exigences militaires ». Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la prise d’otages (le mot était d’ailleurs au pluriel) fut ainsi considérée comme une espèce de crime de guerre. Trois décennies seront nécessaires pour que cette infraction gagne son autonomie juridique en droit international.

5. - Crime en temps de guerre. Selon la IVe convention de Genève du 12 août 1949 « relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre » (art. 28),
-  « aucune personne protégée ne pourra être utilisée pour mettre, par sa présence, certains points ou certaines régions à l’abri des opérations militaires » (art. 28), ce qui interdit la pratique des « otages d’accompagnement » ou, plus trivialement, des « boucliers humains » ;
-  « la prise d’otages est interdite » (art. 34). Si elle n’est plus qualifiée de crime de guerre, elle demeure prohibée « en temps de guerre ».

6. - L’article 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949 (la seule disposition applicable à des conflits armés non-internationaux, avant les protocoles additionnels de 1977) prévoit qu’en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire d’un des États contractants, les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités (y compris les combattants qui ont déposé les armes et ceux qui ont été mis hors de combat) seront traités avec humanité. À cet effet, sont « prohibés, en tout temps et en tout lieu » à l’égard de ces personnes, notamment, les atteintes portées à la vie, à l’intégrité corporelle, à la dignité ainsi que « les prises d’otages ».

7. - Les deux protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux conventions de Genève ajoutent que :
-  « les personnes qui sont au pouvoir d’une Partie au conflit (...) seront traitées avec humanité en toutes circonstances. (...) Sont prohibés en tout temps et en tout lieu les actes suivants, qu’ils soient commis par des agents civils ou militaires », notamment, les atteintes portées à la vie, à la dignité et « la prise d’otages » ainsi que la menace de commettre ces actes (Protocole additionnel n° I, art. 75, § 2, c). Ce texte vise à accorder, en période de conflit armé, une protection minimale aux personnes qui ne peuvent prétendre à aucun statut précis au sens des conventions de Genève (prisonnier de guerre, interné civil, blessé, malade ou naufragé) ;

-  « toutes les personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités, qu’elles soient ou non privées de liberté, ont droit au respect de leur personne (...). Elles seront en toutes circonstances traitées avec humanité (...) ». Sont prohibés en tout temps et en tout lieu, notamment, les atteintes portées à la vie et « la prise d’otages » (Protocole additionnel n° II relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux, art. 4, § 2, c, qui reprend l’article 3 commun aux conventions de Genève).

8. - Selon le statut de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998, « la Cour a compétence à l’égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’un plan ou une politique ou lorsqu’ils font partie d’une série de crimes analogues commis sur une grande échelle ». On entend d’abord par « crimes de guerre » les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et donc « la prise d’otages » (art. 8, § 2, a, viii). Sont également visés, « en cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international », les violations graves de l’article 3 commun aux quatre conventions de Genève qui mentionne également « les prises d’otages » (art. 8, 2, c, iii).

9. - Terrorisme international. Mais l’apparition du terrorisme international dans les années 1970 conduisit le droit international à sortir la prise d’otages du cadre des conflits armés.

10. - Elle fut d’abord incriminée, de façon implicite, par des conventions internationales relatives à une criminalité particulière :

-  la convention de La Haye du 16 décembre 1970 « pour la répression de la capture illicite d’aéronefs » commande aux États de punir sévèrement toute « personne qui, à bord d’un aéronef en vol, illicitement et par violence ou menace de violence s’empare de cet aéronef ou en exerce le contrôle » (art. 1er) ;
-  la convention de Montréal du 23 septembre 1971 « pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile » incrimine divers actes de sabotage ou de destruction ainsi que l’« acte de violence à l’encontre d’une personne se trouvant à bord d’un aéronef en vol, si cet acte est de nature à compromette la sécurité de cet aéronef » (art. 1er, § 1, a).

11. - La prise d’otage fut ensuite évoquée de façon plus explicite en vue de renforcer la protection de l’une des cibles favorites des terroristes : le personnel diplomatique. La convention « sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques » adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973 vise notamment le fait intentionnel « de commettre un enlèvement » (art. 2, § 1, a).

12. - La prise en otage par le groupe terroriste Septembre Noir des athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Munich, qui s’était achevée par la mort de onze d’entre eux le 6 septembre 1972, marqua la nécessité d’appréhender le phénomène terroriste dans son ensemble. Mais, dans la mesure où un certain nombre d’États étaient issus de mouvements de libération ayant eu recours au terrorisme voire perpétuaient cette activité, les chances que la communauté internationale adoptât une telle convention étaient faibles. La résolution n° 3034 (XXVII) de l’assemblée générale des Nations-Unies du 18 décembre 1972 appelle ainsi de ses vœux des « mesures visant à prévenir le terrorisme international qui met en danger ou anéantit d’innocentes vies humaines, ou compromet les libertés fondamentales, et [l’]étude des causes sous-jacentes des formes de terrorisme et d’actes de violence qui ont leur origine dans la misère, les déceptions, les griefs et le désespoir qui poussent certaines personnes à sacrifier des vies humaines y compris la leur, pour tenter d’apporter des changements radicaux »... Cet intitulé, qui “ménage la chèvre et le chou”, révèle à lui seul une raison majeure de la paralysie du droit international.

13. - Extradition et caractère politique. Seuls des pays démocratiques pouvaient s’accorder sur l’élaboration d’un instrument juridique contraignant, dans un cadre régional à défaut d’être mondial. L’initiative en revint aux pays membres du Conseil de l’Europe, signataires à Strasbourg de la convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977. Celle-ci interdit à chaque État contractant, pour les besoins d’une extradition sollicitée par un autre, de considérer comme une infraction politique (ou connexe à une infraction politique ou inspirée par des mobiles politiques) certaines infractions graves, notamment :

-  les infractions visées par les conventions de La Haye et de Montréal relatives à la capture d’aéronefs et la sécurité de l’aviation civile ;

-  « les infractions graves constituées par une attaque contre la vie, l’intégrité corporelle ou la liberté des personnes ayant droit à une protection internationale, y compris les agents diplomatiques » ;

-  « les infractions comportant l’enlèvement, la prise d’otage ou la séquestration arbitraire » (art. 1er, d). La prise d’otages s’émancipe donc, pour la première fois, des qualifications pénales liées à la sécurité aérienne ou à la protection du personnel diplomatique. Bien mieux, elle est dépouillée de son caractère politique qui était une source traditionnelle d’impunité en droit pénal interne et international.

Certes, d’un point de vue criminologique, la prise d’otages politique s’oppose bien à la prise d’otages crapuleuse ou purement crapuleuse (car les motivations « mixtes » sont fréquentes : l’apppât du gain se mâtinant d’idéologie). Mais cette opposition est désormais niée d’un point de vue juridique.

Des dispositions similaires s’appliquent dans le cadre juridique du mandat européen . 14. - Convention de New York. Cette évolution atteint son point culminant avec l’adoption de la convention internationale de New York du 17 décembre 1979 « contre la prise d’otages » qui érige celle-ci en infraction autonome reconnue par le droit international.

15. - Celle-ci porte encore la trace du clivage qui opposait les pays du tiers-monde et les pays occidentaux au sujet des conflits armés engagés par des mouvements de libération nationale. Les premiers obtinrent finalement des seconds (qui y étaient hostiles) la reconnaissance de l’applicabilité à ces conflits du droit international humanitaire (des conventions de Genève) et la mise à l’écart corrélative de la convention de New York. Après que le préambule eut réaffirmé « le principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes », l’article 12 dispose que, dans la mesure où les conventions de Genève ou ses Protocoles additionnels « sont applicables à un acte de prise d’otages particulier et dans la mesure où les États parties à la présente Convention sont tenus, en vertu desdites conventions, de poursuivre ou de livrer l’auteur de la prise d’otages, la présente Convention ne s’applique pas à un acte de prise d’otages commis au cours de conflits armés au sens des Conventions de Genève de 1949 et des Protocoles y relatifs, y compris les conflits armés (...) dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes, dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ».

La convention n’est pas non plus applicable à une situation purement interne (« lorsque l’infraction est commise sur le territoire d’un seul État, que l’otage et l’auteur présumé de l’infraction ont la nationalité de cet État et que l’auteur présumé de l’infraction est découvert sur le territoire de cet État ») (art. 13). Elle est entrée en vigueur en France le 9 juillet 2000 et lie 96 États. 16. - Selon l’article 1er, § 1 de la convention, « Commet l’infraction de prise d’otages au sens de la présente Convention, quiconque s’empare d’une personne (ci-après dénommée « otage »), ou la détient et menace de la tuer, de la blesser ou de continuer à la détenir afin de contraindre une tierce partie, à savoir un Etat, une organisation internationale intergouvernementale, une personne physique ou morale ou un groupe de personnes, à accomplir un acte quelconque ou à s’en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la libération de l’otage ». Toute personne peut donc commettre ce délit, y compris un agent de l’État (l’on songe ici aux nombreux enlèvements perpétrés dans les dictatures d’Amérique latine). La tentative (art. 1, § 2, a) et la complicité (art. 1, § 2, b) sont incriminées

17. - La convention oblige les États à réprimer ces infractions (art. 2), ce qui suppose de placer en détention l’auteur présumé de l’infraction s’il se trouve sur leur territoire et de diligenter une enquête préliminaire ; ces mesures sont notifiées à tous les États concernés par la prise d’otages (art. 6). L’État sur le territoire duquel l’otage est détenu est tenu de prendre toutes mesures qu’il juge appropriées pour améliorer le sort de celui-ci, notamment pour assurer sa libération (art. 3). Les États parties doivent encore :
-  collaborer à la prévention des infractions, soit en empêchant la préparation des infractions sur leur territoire, soit en échangeant des renseignements (art. 4. Adde art. 11, appelant à « l’entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale relative » à ces infractions) ;
-  établir leur compétence afin de connaître de ces infractions lorsqu’elles sont commises sur leur territoire ou à bord d’un navire ou aréonef immatriculé dans le pays, lorsqu’elles sont commises par un de leurs ressortissants ou à l’encontre d’un de leurs ressortissants et lorsqu’ils refusent l’extradition (art. 5 et 8. Adde art. 9 qui reprend la « clause française » permettant de déjouer l’extradition sollicitée dans un but discriminatoire ; art. 10, incluant de plein droit la prise d’otage dans les infractions admises par tout traité d’extradition). II. - L’OTAGE EN DROIT INTERNE 18. - Le droit international public a posé le gros œuvre. Il est très loin de bâtir un statut juridique de l’otage. Pour cela, deux volets doivent lui être ajoutés : la répression pénale (§ 1) et l’indemnisation des victimes (§ 2).

§ 1. - Droit pénal 19. - Incriminations. Le Code pénal punit de vingt ans de réclusion criminelle « le fait, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, d’arrêter, d’enlever, de détenir ou de séquestrer une personne » (art. 224-1, al. 1er). L’infraction n’est plus qu’un délit puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende si « la personne détenue ou séquestrée est libérée volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de son appréhension » (art. 224-1, al. 3). Toute séquestration n’est pas une prise d’otage. La prostituée retenue de force dans un service hospitalier de vénérologie afin d’éviter qu’elle retourne à son activité principale ou le chef d’établissement enfermé par des grévistes dans son bureau sont séquestrés mais ne sont pas, à proprement parler, retenus en otage.

La figure juridique de l’otage apparaît en réalité à l’article 224-4 du Code pénal qui édicte une circonstance aggravante du crime de séquestration (au même titre que la mutilation, la torture et la pluralité de victimes) : « Si la personne arrêtée, enlevée, détenue ou séquestrée l’a été comme otage soit pour préparer ou faciliter la commission d’un crime ou d’un délit, soit pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité de l’auteur ou du complice d’un crime ou d’un délit, soit pour obtenir l’exécution d’un ordre ou d’une condition, notamment le versement d’une rançon, l’infraction prévue par l’article 224-1 est punie de trente ans de réclusion criminelle ».

20. - De façon plus spécifique, sous l’influence du droit international, l’article 224-6 du Code pénal punit de vingt ans de réclusion criminelle « le fait de s’emparer ou de prendre le contrôle par violence ou menace de violence d’un aéronef, d’un navire ou de tout autre moyen de transport à bord desquels des personnes ont pris place ». 21. - Mais c’est surtout sous la qualification d’acte de terrorisme que la prise d’otage provoque l’application de règles protectrices des victimes. Constituent à cet égard des actes de terrorisme, « lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes : 1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code (...) ». 22. - La question de la rançon. La loi doit-elle interdire de payer une rançon à des preneurs d’otages ? La question oppose les adeptes de l’analyse utilitariste - qui postulent la rationalité des criminels et croient en la vertu dissuasive d’une telle interdiction - et les humanistes - qui privilégient la protection des valeurs de Justice, telles la liberté et surtout la vie humaine qui doit être sauvegardée à tout prix.

23. - Arguments. Il est plus que probable que certains criminels se livrent à un calcul rationnel qui les convainc de passer à l’acte lorsque la perspective de gains est écrasante. On songe ici à ces chefs de pirates somaliens illettrés et misérables auxquels la capture d’un navire rapporte en moyenne deux millions de dollars aux frais de l’armateur, lui-même couvert par une police d’assurance.

Mais, quel que soit le point de vue, il apparaît qu’aucune loi prohibitive ne résoudra le problème des captures (de navires, notamment), enlèvements ou kidnappings. Il est plusieurs raisons à cela. 1) Les preneurs d’otages n’entendent pas la légalité en général. 2) Ils ne connaissent pas a priori le contenu exact de telle ou telle loi étrangère. Du moins, ceux qui organisent les actes criminels recrutent des exécutants qui ignorent tout du droit et de la légalité du versement d’une rançon. 3) Quand bien même seraient-ils instruits de la loi étrangère, ils peuvent toujours parier qu’elle ne sera pas respectée par toutes les parties en présence (l’employeur de l’otage peut céder, nonobstant les mises en garde de son gouvernement). 4) En tout état de cause, la sanction d’un paiement illégal de rançon ne menace jamais que le payeur (le solvens), non le preneur d’otages (l’accipiens). À ce titre, il paraît contraire à la Justice de poursuivre en tant que délinquant la personne physique ou morale (telle une entreprise dont des salariés expatriés ont été enlevés) qui a acquitté une certaine somme d’argent dans le but d’obtenir la liberté ou de sauver la vie d’un être humain. 5) Enfin, le risque d’escalade vers des formes plus graves d’extorsion de fonds ou de terrorisme n’est pas à exclure. Existe également le risque qu’un otage dont la nationalité est découverte au sein d’un groupe de personnes enlevées et qui est ressortissant d’un État prohibant le paiement de rançons, soit aussitôt exécuté.

La question soulève aussi des enjeux diplomatiques et géo-politiques. La politique des gouvernements peut connaître certaines fluctuations et, en dépit d’une rigueur affichée, plier sous le pragmatisme. Officiellement, les États-Unis et la Grande-Bretagne ne négocient pas, au contraire des pays européens. Les autorités algériennes ont observé que, au cours de la dernière décennie, l’organisation terroriste AQMI avait été financée de façon quasi exclusive par des rançons en provenance de pays européens, dépassant les 70 millions €. 24. - Dans sa résolution n° 1904 du 17 décembre 2009, qui s’attaque aux soutiens du terrorisme islamiste, le Conseil de sécurité de l’ONU, « se déclarant préoccupé par la multiplication des enlèvements et des prises d’otages auxquels se livrent les personnes, groupes, entreprises et entités associés à Al-Qaida, à Oussama ben Laden ou aux Taliban dans le but de lever des fonds ou d’obtenir des concessions politiques », décide que les États doivent prendre une série de mesures telles que bloquer les fonds et avoirs financiers de ces personnes et veiller à ce qu’ils ne soient pas mis à leur disposition (par des organisations inscrites sur une « Liste récapitulative »), notamment par le « paiement de rançons ».

25. - Les législations nationales se divisent entre celles qui interdisent tout paiement de rançon (comme en Italie ou en Colombie) et celles qui restent muettes sur le sujet. En réalité, le droit français n’est pas si muet que cela puisque l’article 421-2-2 du Code pénal qualifie également d’acte de terrorisme « le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte ». Ce texte fait, en théorie, obstacle au paiement de fonds à des organisations terroristes. Il en est de même en droit anglais. Le Ransom Act de 1782 (dont l’intitulé exact est : An Act to prohibit the ransoming of Ships or Vessels captured from his Majesty’s Subjects, and of the Merchandize or Goods on Board such Ships or Vessels) interdisait à tout citoyen britannique de conclure, à peine de nullité, un accord prévoyant le paiement d’une rançon en vue de libérer un vaisseau ou navire appartenant à un citoyen de Sa Majesté. Il fut abrogé par le Naval Prize Acts Repeal de 1864. Mais le Naval Prize Acts fut à son tour abrogé par le Supreme Court Act de 1981 (appelé aussi Senior Courts Act 1981)... Quoiqu’il en soit, le paiement d’une rançon (dans des cas de piraterie maritime) ne semble pas contraire à la loi anglaise, à condition que les bénéficiaires du paiement ne soient animés que par l’appât du gain et non une idéologie politique ou terroriste (les pirates somaliens ont d’ailleurs parfaitement intégré cette contrainte normative en avisant les armateurs que leur motivation était purement financière !). Par ailleurs, la question s’est posée de savoir si le paiement d’une rançon était contraire à l’ordre public (public policy). Selon les propos du juge Steel dans une affaire Masefield AG v Amlin Corporate Member Ltd, relative à un contentieux de droit des assurances consécutif à la capture d’un navire de commerce dans le golf d’Aden par des pirates somaliens, “The payment of a ransom is not in itself illegal under English law, and concerns about money laundering and supporting terrorism by making such payments to Somali pirates, do not stand up to careful analysis” . Il n’est pas inutile de rappeler que la loi anglaise s’applique dans certains pays africains membres du Commonwealth où des pirates ont pu être capturés et même jugés (au Kenya, par exemple).

§ 2. - Indemnisation

A. - De lege lata : des strates d’indemnisation

26. - Prestations de sécurité sociale. Avant toute chose, les victimes de prises d’otages ayant subi un dommage corporel bénéficient des prestations en nature (remboursement des frais de santé) et des prestations en espèces (indemnités journalières au cours de la période d’incapacité temporaire de travail puis, le cas échéant, rente AT-MP au titre d’une incapacité permanente) des assurances maladie ou accidents du travail du régime de sécurité sociale auxquels elles sont affiliées. Tel est le cas, par exemple, de journalistes salariés d’une chaîne de télévision. Toutefois, ces prestations ont un caractère forfaitaire, c’est-à-dire qu’elles ne réparent pas l’intégralité du préjudice subi, notamment le préjudice moral ou la perte de chance de promotion professionnelle (résultant du fait, par exemple, qu’un journaliste enlevé à l’étranger ne parviendra pas à exercer le métier de grand reporter).

27. - Par ailleurs, en droit social, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés. Le phénomène du terrorisme, qui prend volontiers pour cible les salariés des grands groupes envoyés en mission à l’étranger, pose la question de l’étendue géographique de cette obligation de sécurité. Dans l’affaire de l’attentat de Karachi, les juges ont estimé que l’employeur était tenu de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir ce type particulier d’accident du travail . D’une manière générale, il est tenu de veiller à la sécurité de son personnel expatrié ou en mission. Les salariés victimes d’agressions à l’étranger ont alors la faculté d’exercer : - soit une action en reconnaissance de la faute inexcusable de leur employeur (qui leur ouvre droit à une réparation quasi intégrale de leur préjudice sur le fondement de la législation professionnelle) ; - soit « une action sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile contractuelle » .

28. - Victimes du terrorisme. Ensuite, « les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés » par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions ou FGTI (C. assur., art. L. 126-1).

Le Fonds garantit « la réparation intégrale des dommages résultant d’une atteinte à la personne » (C. assur., art. L. 422-1). Autrement dit, sont indemnisés les différents postes de préjudices patrimoniaux ou extra-patrimoniaux subis tant par les victimes directes que par les victimes indirectes (par ricochet), tels qu’énumérés par la « nomenclature Dintilhac ».

En revanche, le FGTI n’indemnise pas les victimes de séquestration en tant que telles. Seule la prise d’otages « politique » est de nature à ouvrir droit à ce régime légal d’indemnisation (en l’absence d’autres infractions portant atteinte à l’intégrité). 29. - Pension de victime civile de guerre. Enfin, les victimes d’actes de terrorisme bénéficient « des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre applicables aux victimes civiles de guerre » (L. n° 90-86, 23 janv. 1990, art. 26). Sont visées les victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, quelle que soit leur nationalité, et les victimes d’actes de terrorisme commis à l’étranger, de nationalité française. Elles peuvent donc percevoir une pension temporaire ou définitive d’invalidité, sous les conditions posées par ce code. Ce cadre juridique suscite parfois le trouble chez les victimes du terrorisme qui se voient prises en charge par le ministère de la Défense (elles sont aussi inscrites à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, ONACVG) et considèrent qu’aucune « guerre » n’est la cause de leur malheur. De ce double point de vue, le cadre juridique paraît en complet décalage avec le ressenti des intéressés dont l’amertume à l’égard de l’État ne fait alors que croître.

30. - Articulation. Plusieurs régimes interviennent donc dans l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, suivant un ordre précis.
-  En premier lieu, s’applique la législation sur les accidents du travail (dans les entreprises du secteur privé) ou sur les accidents de service (dans la fonction publique) lorsque l’acte de terrorisme est susceptible de revêtir cette qualification. A contrario, la personne enlevée, blessée ou tuée au cours d’un « acte de la vie courante » (tourisme, loisir, vie privée, etc.) ne peut bénéficier d’une prise en charge à ce titre. Après la consolidation des blessures (qui permet d’évaluer les séquelles définitives), les prestations en espèces de la sécurité sociale (rente AT-MP) indemnisent l’incapacité permanente partielle (IPP), c’est à dire la réduction de la capacité de travail due à l’attentat. Mais, comme il a été dit, un salarié a la possibilité d’exercer une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur qui lui assure une réparation quasi intégrale de son préjudice, en particulier des différents postes de préjudice moral et des préjudices qui ne sont pas réparés, même en partie, par la sécurité sociale .

-  En deuxième lieu, le FGTI offre une réparation intégrale du préjudice sous la forme d’un capital. Il déduit alors du poste de l’incapacité permanente partielle le capital représentatif de la rente AT-MP éventuellement servie au titre de la législation de sécurité sociale.
-  En troisième lieu et à titre subsidiaire, l’État intervient au titre du régime d’indemnisation des victimes civiles de guerre. À ce stade, a priori, compte tenu de l’étendue de l’indemnisation accordée par le FGTI, il ne reste quasiment plus aucun poste de préjudice à réparer.

31. - Ce dernier régime prévoit le versement d’une pension de victime civile indemnisant l’IPP, à caractère viager. Le montant de la pension dépend du taux d’invalidité de la victime. L’article L. 219 du Code des pensions militaires impose de déduire du montant de la pension « les indemnités pouvant être dues aux [victimes] ou à leurs ayants cause, en raison du fait générateur du droit à pension, en vertu, soit d’une législation étrangère, soit d’un autre régime français de réparation ». Le régime d’indemnisation des victimes civiles de guerre ouvre également droit à des avantages accessoires : droit aux soins gratuits pour les infirmités ayant donné lieu à l’attribution de la pension et droit à l’appareillage ; octroi de la qualité de ressortissant de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) qui permet de bénéficier notamment de la carte d’invalidité. En cas de décès de la victime survenu à la suite de l’attentat, ses ayants-cause peuvent obtenir l’indemnisation de leurs préjudices moral et économique résultant du décès. Ils ont également droit à une pension de réversion du Code des pensions militaires, toujours sous déduction des indemnités servies par d’autres régimes (FGTI, AT-MP...). Les enfants blessés et les orphelins de moins de 21 ans peuvent obtenir le statut de « pupille de la Nation ».

32. - Remboursement de l’État. Sur un tout autre plan, la loi française prévoit aussi que « l’État peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu’il a engagées ou dont il serait redevable à l’égard de tiers à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger au bénéfice de personnes s’étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence, à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer » (L. n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’Etat, art. 22).

B. - De lege ferenda : un statut juridique de l’otage ?

33. - Des voix se font entendre pour dénoncer l’absence de reconnaissance et d’un statut juridiques de l’otage en tant que tel - c’est-à-dire indépendamment de la qualification d’acte de terrorisme. Surtout, les victimes d’acte de terrorisme déplorent l’absence de statut juridique digne de ce nom. En réalité, le droit positif a bien conféré un statut juridique aux victimes, comme en témoigne le rappel des multiples règles applicables en droit interne. Plus qu’un « statut juridique », c’est une amélioration de l’indemnisation qui est revendiquée.

34. - Certaines suggestions en ce domaine s’avèrent assez limitées. C’est ainsi qu’une proposition de loi « visant à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes de prise d’otages » fut déposée par 44 députés le 1er février 2011 à l’Assemblée nationale. L’exposé des motifs observe que, « outre les traumatismes psychiques et physiques auxquels ces victimes directes et indirectes sont exposées, elles doivent, une fois la liberté recouvrée, faire face à une absence de reconnaissance nationale de leur privation de liberté, subie bien souvent à raison de leur appartenance nationale ». Il est alors proposé d’étendre la garantie du FGTI aux « victimes de prise d’otages » et d’incriminer spécifiquement la prise d’otages aux articles 224-4 et 421-1 du Code pénal.

35. - Les associations de victimes ont une ambition bien plus élevée. 36. - Sur le plan symbolique, elles déplorent l’absence de reconnaissance solennelle (quelle que soit la forme qu’elle pourrait revêtir) des « sacrifices » consentis, à leur insu, par les ressortissants français, ou leurs familles endeuillées, frappés par le terrorisme. Le sentiment d’injustice est profond chez les victimes qui n’ont vu leur vie basculer que parce qu’elles incarnaient - aux yeux des criminels - l’État français.

À cet égard, un malentendu (encore un !) contribue à renforcer le profond malaise des victimes. Celles-ci se voient proposer comme interlocuteur principal le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Or, le FGTI n’est pas un établissement public et il ne représente pas l’État  : il a le statut de personne morale de droit privé. Il n’est pas davantage financé par l’impôt mais par une contribution assise sur les primes des contrats d’assurance de biens (C. assur., art. L. 421-2 et L. 422-1). Nulle reconnaissance symbolique de la souffrance ou du sacrifice des victimes ne peut donc émaner du FGTI, dont la mission est d’ailleurs exclusivement indemnisatrice. Seule une autorité officielle représentant l’État pourrait combler cette attente. Celle-ci reste à créer ou, plutôt, à désigner. La logique et la simplicité voudraient que le préfet soit habilité afin de procéder à un rituel républicain. Les cérémonies de naturalisation des étrangers, qui se déroulent en préfecture afin de conférer la solennité qui sied à acquisition de la nationalité française, pourraient servir ici de modèle.

37. - Sur le plan indemnitaire, les associations vantent le régime légal d’indemnisation en vigueur en Italie. Ce pays s’est doté d’un système extrêmement avantageux depuis la loi n° 206 du 3 août 2004 au profit des victimes du terrorisme et d’actes connexes (« Nuove norme in favore della vittime del terrorismo e delle stragi di tale matrice ») . Qu’on en juge.

Selon l’article 5 de la loi italienne, chaque point d’incapacité permanente ouvre droit à une pension annuelle de 2000 €, soit au maximum 200 000 € (au titre d’une IPP de 100 %). Si la victime est atteinte d’une incapacité permanente d’au moins 80 % et décède, cette pension est intégralement réversible à ses ayants droit. Par-dessus tout, la victime atteinte d’une incapacité permanente d’au moins 25 % a droit à une allocation viagère (assegno vitalizio) de 1033 euros par mois, exonérée d’impôt sur le revenu. En cas de décès, cette allocation est réversible à ses ayants droit (conjoint survivant, ascendants, descendants mineurs ou majeurs, frères et sœurs) pour une durée de deux années. Les caractéristiques exceptionnelles de ce régime résident tant dans le niveau remarquable des prestations servies que dans le caractère automatique de l’octroi de l’allocation viagère. L’un et l’autre marquent la volonté de la Nation d’honorer les souffrances et la mémoire des victimes. 38. - Nous complèterons le tableau des propositions de réforme en songeant aux ayants droit des victimes décédées ou traumatisées par des actes de terrorisme. L’expérience enseigne que les victimes par ricochet (le conjoint, les ascendants, descendants et frères ou sœurs) peuvent voir leur vie détruite aussi sûrement que les victimes directes, en raison des graves difficultés psychologiques qu’ils rencontrent dans la période immédiatement postérieure au drame. Si la Solidarité nationale ne peut leur apporter un soutien financier tout au long de leur vie (sous la forme d’une rente viagère), elle peut utilement les aider à traverser une passe difficile.

En termes plus clairs, l’objectif est de préserver l’insertion professionnelle des victimes par ricochet. Trop souvent, celles-ci peinent à concilier leur vie professionnelle et une vie personnelle désormais bouleversée. Perdant pied au quotidien, accaparées tant par les pensées traumatiques que par les soins médico-psychologiques, elles prennent généralement la décision de démissionner (parfois des années après l’attentat dont a été victime leur proche). Le retour à l’emploi s’annonce alors des plus improbables. Faute d’avoir su accompagner temporairement cette victime, la collectivité publique supportera indéfiniment le coût financier de son exclusion professionnelle, en raison du versement des allocations d’assurance chômage puis du RSA (revenu de solidarité active) ! Non seulement un meilleur calcul est possible mais le modèle existe déjà en droit français : l’accompagnement d’enfants malades ou de personnes en soins palliatifs par l’AJPP et l’AJAP.

Créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (CSS, art. L., R. et D. 544-1 et s.), l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) est versée au cours d’un congé de présence parentale (C. trav., art. L. 1225-62 et s.) pris par la « personne qui assume la charge d’un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ». Le dispositif s’applique aux salariés (CSS, art. L. 544-1), non-salariés (CSS, art. L. 544-7), fonctionnaires et demandeurs d’emploi indemnisés. Le congé ouvre droit à 310 jours d’absence par période de trois ans. Il est renouvelable en cas de rechute ou de récidive de la pathologie de l’enfant. Il n’est pas rémunéré par l’employeur mais le bénéficiaire perçoit une allocation mensuelle calculée par jour d’absence. La loi n° 2010-209 du 2 mars 2010 a ensuite créé l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (AJAP). Celle-ci est versée aux personnes (salariés, travailleurs indépendants, agents titulaires ou non titulaires des trois fonctions publiques) qui accompagnent à domicile une personne (un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile) « en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause », c’est-à-dire en soins palliatifs (CSS, art. L. et D. 168-1 et s.). L’AJAP est versée : - à l’assuré au cours d’un congé de solidarité familiale (non rémunéré par son employeur) d’une durée maximale de trois mois (C. trav., art. L. 3142-16 et s.) ; - au travailleur qui a réduit ou suspendu son activité professionnelle ; - ou même à un chômeur. Le législateur serait bien inspiré de créer, sur ce modèle, une « allocation journalière d’accompagnement de la victime d’acte de terrorisme » (« AJAVAT »), couplée à un congé autorisant le bénéficiaire à suspendre ou réduire son activité professionnelle. L’allocation et le congé seraient accordés durant une période limitée afin de ne pas produire un effet pervers bien connu (notamment dans le congé parental) consistant à éloigner l’assuré du marché de travail. L’allocation pourrait ainsi être servie pendant une durée maximale de trois mois (soit 91 allocations journalières) en cas de suspension totale de l’activité professionnelle, ou de six mois en cas de passage à temps partiel.

La création d’une prestation de sécurité sociale spécifique, adaptée aux psychopathologies traumatiques, éviterait une multiplication des arrêts de travail grevant les ressources de l’assurance maladie et, en outre, nuisible à l’avenir professionnel de la victime indirecte. Un tel dispositif pourrait, bien entendu, être ouvert aux victimes directes elles-mêmes.

 
^ Remonter ^
  1. https://thesanctuarycollective.org/
  2. https://www.otages-du-monde.com/
  3. https://www.endangeredrangers.com/
  4. https://www.hottestmominamerica.com/
  5. https://www.globalinstitutefortomorrow.com/
  6. https://craftymonkeys.org/
  7. https://thencta.com/
  8. https://helmutequipement.com/
  9. https://collegecitescolaire.com/
  10. https://katana-giapponese.com/
  11. https://pisciculturepaol.com/
  12. https://amipublic.com/
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  15. https://yevdes.org/
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