Faut-il médiatiser le sort des otages ?
Leur enlèvement a été tenu secret durant plus de trois mois. Jean-Marc Ayrault a révélé mercredi que deux journalistes, Nicolas Henin et Pierre Torres, étaient retenus en Syrie depuis le 22 juin.
"Silence radio", c’est le mot d’ordre du gouvernement, lorsqu’il y a enlèvement. Pourtant, mercredi, le Premier ministre a dévoilé prématurément les noms de deux journalistes français enlevés en juin en Syrie.
Cette nouvelle pose la question de la médiatisation des otages. D’un côté, les proches des otages redoutent l’oubli. De l’autre le gouvernement doit faciliter le travail des services secrets, et assurer la sécurité des otages.
"Faire monter les enchères"
Quels dangers les otages encourent-ils à être médiatisés ? "Le risque est de faire monter les enchères, c’est-à-dire le prix des rançons, voire le prix politique", explique l’éditorialiste international de BFMTV Ulysse Gosset. "Si les ravisseurs savent que leur otage est important, ils vont avoir la tentation d’en profiter, et de dire ’on les libérera, mais le prix sera plus élevé’."
Colère des familles
Mais souvent ce sont les familles qui décident de sortir du silence. Comme avec le père de Nicolas Hénin, qui s’est exprimé pour la première fois mercredi au sujet de son fils retenu en Syrie depuis trois mois et demi. Par ailleurs, la révélation de deux nouveaux noms d’otages français a suffi à libérer colère et frustration. C’est le cas de la femme de Francis Collomp, enlevé en décembre 2012 au Nigéria.
"Du blabla", accuse-t-elle, "Comment ils comptent libérer mon mari ?", s’est exclamée, indignée, Anne-Marie Collomp, mercredi soir sur BFMTV.
Exaspération également du côté des familles d’otages enlevés au Niger en 2010. Elles ont déployé mercredi une banderole à une centaine de mètres de l’Elysée. Une délégation a bien été reçue par un conseiller de François Hollande. Mais ce ne serait que pour la forme, témoigne Emmanuel Lelore, ami d’enfance de Pierre Legrand.
"Je ne m’attendais pas à grand chose, en fait on nous a juste fait une entrevue pour nous calmer. Et puis on nous a redit la même chose : ’soyez rassurés, on travaille’. On se permet d’en douter maintenant", a-t-il déclaré, dépité.
"La mobilisation permet de tenir"
Les proches souhaitent ainsi stimuler les pouvoirs, mais espèrent surtout que leur message parvienne aux oreilles de l’otage. Pour Hervé Ghesquière qui en a fait l’expérience durant sa détention en Afghanistan, il s’agit d’une bouffée d’espoir.
"Finalement on s’est rendu compte que l’on s’occupait de nous. A partir de ce moment-là, on a tenu, et l’on tient beaucoup plus quand on sait que de l’autre côté ça travaille et se mobilise, que lorsque l’on est oublié", reconnaît-il.
De plus, dit le journaliste, "un otage qui est oublié, il n’a plus de valeur pour ses ravisseurs... Sa vie est alors menacée".
Onze Français sont désormais retenus en otages dans le monde. Quatre en Syrie et sept en Afrique.