OTAGES IRAN - Clotilde Reiss “échangée” contre l’assassin de Chapour Bakhtiar ?
La demande de libération de Vakili Rad a été examinée mercredi. Par le passé, Paris a déjà « marchandé » avec Téhéran.
Officiellement, la France se refuse à jouer les marchands de tapis. Bernard Kouchner le jure la main sur le cur : il est hors de question d’envisager un troc sordide consistant à « échanger » Clotilde Reiss, la jeune universitaire française retenue en Iran depuis juin et suspectée d’activités subversives, contre Ali Vakili Rad, condamné à perpétuité pour l’assassinat à Paris de l’ancien Premier ministre Chapour Bakhtiar.
Il s’agit donc d’un pur hasard (qui fait parfois bien les choses) si Vakili Rad, qui a écopé de la peine maximale en 1994, a introduit une demande de remise en liberté, examinée mercredi par le juge d’application des peines compétent en matière terroriste. Mise en délibéré, la décision sur son sort sera rendue ultérieurement.
Naïveté coupable Soit le temps de la réflexion et, accessoirement, de négocier une heureuse issue pour Clotilde Reiss. Mais, que l’on se rassure, la France ne transige pas et ne mettrait jamais, au grand jamais en balance le sort d’une de ses ressortissantes avec celui d’un terroriste patenté. Vakili Rad « ne peut pas être échangé contre la jeune universitaire. Ce n’est pas imaginable chez nous », martèle le chef de la diplomatie tricolore. Reiss est confinée depuis juin dernier à l’ambassade de France de Téhéran, dont les autorités ont lié la libération à celle de détenus iraniens incarcérés en France.
Mémoire courte « Inimaginable », réplique-t-on au Quai d’Orsay, pourtant pas réputé pour avoir la mémoire courte. Car ce type de marchandage - otage contre détenu condamné - a déjà été pratiqué, et notamment avec l’Iran. Petit rappel. En juillet 1980, Chapour Bakhtiar, réfugié à Paris, échappe à un attentat. Impliqué dans cette tentative d’assassinat, le Libanais Anis Naccache est condamné à perpétuité le 10 mai 1982. Sur fond de négociations pour la libération des otages français détenus au Liban (par le Hezbollah, bras armé de l’Iran), des négociations secrètes s’engagent avec Téhéran.
Naccache et ses complices seront libérés et expulsés en 1989. Autre exemple, toujours pour mémoire : en 1986, Paris est frappé par une vague d’attentats. La France, tout comme dans l’affaire des otages du Liban, paie alors le différend qui l’oppose à l’Iran dans le cadre du dossier nucléaire Eurodif. La justice désigne plusieurs suspects impliqués dans les actes terroristes, dont Walid Gordji, traducteur à l’ambassade d’Iran à Paris. Réplique immédiate de Téhéran qui arrête, sans motif, le premier secrétaire de l’ambassade de France, Paul Torri. Là encore, de secrètes tractations s’engagent, aboutissant à la libération du diplomate français et à celle de Gordji, expulsé en novembre 1986.
Aucun Etat démocratique ne reconnaîtra jamais mener de pareils marchandages pour extirper ses otages des griffes d’une dictature en échange de la libération de terroristes. Mais que Clotilde Reiss garde espoir, la justice française pourrait tout de même décider d’élargir Vakili Rad. En toute indépendance, bien sûr.
Edition France Soir du jeudi 11 février 2010 page 12