Otages français dans le monde : Comment ne pas les oublier ?
INTERNATIONAL - Alors que les Français sont parmi les plus kidnappés au monde, les autorités préfèrent en parler le moins possible...
Huit. C’est le nombre officiel d’otages français dans le monde. C’est « trop », selon le ministère des Affaires étrangères. Les Français sont même les plus kidnappés au monde, après les Chinois, selon un rapport de l’assureur Hiscox.
Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, en recensait six début décembre, avant l’enlèvement des deux journalistes de France 3 le 30 décembre. Toutefois, le ministre n’a donné aucune indication quant à leur nom et leur pays de détention.
« La tendance actuelle »
« C’est la tendance actuelle », indique à 20minutes.fr Martine Gauffeny, secrétaire générale de l’association « Otages du monde », dont le slogan est : « Parlons d’eux... ils vivront. Oublions les... ils mourront ».
« Depuis l’affaire Betancourt, il y a eu une réflexion sur la médiatisation et les avis sont partagés », ajoute Martine Gauffeny. Selon elle, les journalistes tendent à prôner la médiatisation qui est « une assurance vie », quand le personnel humanitaire est plutôt enclin à « négocier discrètement pour assurer une libération rapide ».
C’est le cas notamment de l’ONG Triangle Génération Humanitaire dont deux membres sont détenus depuis fin novembre en Centrafrique. « Nous ne communiquons pas leur identité pour assurer leur sécurité », indique l’organisation à 20minutes.fr. Une « règle de conduite » soutenue par le ministère des Affaires étrangères qui assure à 20minutes.fr qu’il s’agit d’un indéniable « élément d’efficacité », afin notamment de « limiter les interférences ».
Un phénomène qui prend de l’ampleur
Chacun sa philosophie mais l’association critique le manque de communication des autorités françaises sur un phénomène « qui a pris de l’ampleur » depuis le début des années 2000. Pourtant, il pourrait exister également un risque de voir enfler les sommes parfois demandées par les ravisseurs en cas de forte médiatisation.
« Otages du monde » estime qu’une réflexion est également nécessaire sur ce thème, l’Espagne ayant notamment pris la décision la semaine dernière de ne plus payer de rançon aux preneurs d’otages quels qu’ils soient. Plusieurs autres grands pays occidentaux dont les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne et l’Italie refusent déjà de céder au chantage financier.
Libérer un otage, ça coûte cher
La France ne s’est jamais clairement exprimée sur le sujet, se bornant à préciser à chaque libération d’otages qu’elle n’a versé aucune somme. Reste que les otages, cela coûte cher à l’Etat. Selon Europe 1, Nicolas Sarkozy aurait demandé début janvier au ministre de la Défense, Hervé Morin, de communiquer sur le coût des opérations pour obtenir la libération des otages français.
Le chef de l’Etat se serait emporté en conseil des ministres à l’encontre de l’« inconscience » des journalistes de France 3, enlevés en Afghanistan. Une position qui choque « Otages du monde ». « C’est aberrant de remettre en cause des journalistes pris en otage dans l’exercice de leur fonction », se désole Martine Gauffeny. « Il n’y a pas si longtemps, c’était un honneur de couvrir des conflits, maintenant, c’est considéré comme un délit ».
Corentin Chauvel
Les huit otages français dans le monde
* Un membre de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), détenu en Somalie depuis le 14 juillet 2009. Il a été kidnappé par des rebelles islamistes somaliens à Mogadiscio avec un second agent, Marc Aubrière (« sans doute un pseudonyme » selon Otages du Monde), qui a réussi à s’enfuir le 25 août dernier.
* Gauthier Lefèvre, employé du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), enlevé le 22 octobre 2009, au Darfour.
* Laurent Maurice, ingénieur agronome et employé du CICR, enlevé le 9 novembre 2009 dans l’est du Tchad.
* Deux humanitaires français de l’ONG Triangle Génération Humanitaire, enlevés le 22 novembre 2009 à Birao, une ville de la République centrafricaine, proche du Darfour.
* Pierre Camatte, 61 ans, président de l’association « Gérardmer-Tidarmene », détenu depuis le 25 novembre 2009 par des membres d’Al-Qaida au Maghreb islamique.
* Deux journalistes de France 3, travaillant pour le magazine « Pièces à conviction », enlevés le 30 décembre 2009 en Afghanistan.