Evasion de Francis Collomp : « pas de dynamique de libération d’otages »
Par Anne Verdaguer
Ancien officier de renseignement, directeur de recherches au Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) chargé du terrorisme et de la criminalité, Alain Rodier revient sur la libération, ce dimanche 17 novembre, de Francis Collomp, enlevé au Nigeria en décembre 2012.
RFI : Francis Collomp est libre. On dit aussi qu’il se serait enfui. Est-ce une thèse crédible ?
Alain Rodier : Oui, c’est tout à fait possible, puisque l’armée nigériane a lancé des opérations depuis des mois, de façon à tenter de contrer Boko Haram et les mouvements affiliés.
Mais la thèse de la libération est, elle aussi, toujours privilégiée, n’est-ce pas ?
Oui, absolument. Le président a déclaré qu’il était maintenant libre, donc je pense que c’est tout à fait vrai.
Il y a eu aussi une vidéo de Francis Collomp, quelque temps après sa capture. De quelle nature était cette vidéo ?
C’était une vidéo où il demandait au gouvernement français de négocier. Et on sait que les discours des otages à ce moment-là sont dictés par les ravisseurs. Donc, il devait y avoir une volonté d’Ansaru - puisque c’est ce mouvement qui le détenait - de négocier sa libération.
L’otage Francis Collomp a été enlevé il y a presque un an, après l’attaque par une trentaine d’hommes armés. Le rapt avait ensuite été revendiqué par Ansaru, ce groupe dissident de Boko Haram. Quelles sont les relations entre ces deux groupes islamistes ?
Pour faire très simple, Boko Haram serait un mouvement relativement nationaliste dont le but est d’obtenir un Etat islamique dans le nord du Nigeria, alors qu’Ansaru serait plus internationaliste, une partie de ses hommes ayant été formés au Mali par al-Qaïda au Maghreb islamique et par le Mujao.
Et le groupe Ansaru avait évoqué l’intervention militaire française au Mali notamment, n’est-ce pas ?
Absolument. Il avait condamné cette intervention, ce qui est tout à fait logique puisqu’il avait eu des liens personnels avec les dirigeants d’al-Qaïda du Maghreb islamique et du Mujao. C’était la moindre des choses que de condamner. Cela dit, je précise bien qu’ils (les membres d’Ansaru, NDLR) n’avaient pas participé directement aux combats. En réalité, ils s’étaient formés quand la zone du nord du Mali était tenue par les islamistes et ils étaient revenus ensuite au Nigeria, avec de nouvelles techniques, en particulier dans le domaine de la prise d’otages.
Et leurs relations avec le groupe Aqmi qui règne au Mali ? Est-ce qu’ils ont les mêmes objectifs ?
C’est un tout petit peu différent, dans la mesure où, sur le plan religieux, Ansaru, est musulman, mais aussi mâtiné d’un petit peu de religion locale, ce qu’acceptent assez peu les théoriciens d’al-Qaïda au Maghreb islamique. Cela dit, ils ont tous les deux un objectif internationaliste, c’est-à-dire l’établissement du califat mondial.
Il y a eu la libération des otages au Niger fin octobre. Est-ce qu’on est dans une dynamique en ce moment, de libération d’otages ? Qu’est-ce qu’on peut dire là-dessus ?
Non, je ne pense pas que ce soit vraiment une dynamique. C’est un heureux hasard de circonstances qui fait que nos otages, à différents endroits, ont été libérés. Mais nous avions affaire à des groupes différents, qui même s’ils partagent la même idéologie, ne coopèrent pas directement de manière opérationnelle. Il n’y a pas un commandement central qui gère l’affaire des otages. Nous avons à chaque fois affaire à des groupes différents.