OTAGES AFGHANISTAN : Entretien JF Julliard (Reporters sans frontières)
“On ne sait plus très bien ce qui pourrait aider les otages...” (TELERAMA)
LE FIL TéLéVISION - Médiatiser ou pas l’enlèvement en Afghanistan des journalistes de France 3 ? Après la publication, dans “Le Parisien”, d’images où leurs visages sont quasi reconnaissables, nous avons interrogé Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières. Selon lui, tant que les autorités sont mobilisées, mieux vaut rester discret.
Le Parisien a publié ce matin les photos à peine floutées des deux journalistes de France 3 enlevés en Afghanistan, tirées d’une vidéo diffusée par Al Jazira. Cette médiatisation semble aller à l’encontre des consignes de discrétion transmises par les pouvoirs publics et la chaîne autour de cet enlèvement... Jean-François Julliard : Cette vidéo chamboule un peut tout. LCI l’a aussi diffusée, avant d’arrêter, à la demande de France Télévisions. En toute honnêteté, à l’heure actuelle, on ne sait plus très bien ce qui est le plus pertinent et pourrait le mieux aider les otages. Globalement, les médias ont décidé de ne pas diffuser cette vidéo, ou, en tout cas, en floutant les visages. Je crois qu’il n’est pas utile, pour l’instant, d’aller plus loin.
On sent les médias vraiment gênés aux entournures pour évoquer l’affaire... France 3 vient tout juste de donner leur prénom, Le Parisien l’initiale de leurs noms... Trouver le point d’équilibre entre une très forte médiatisation, à l’image de ce qui a pu se passer pour Florence Aubenas, et un mutisme complet, comme pour le journaliste du New York Times (1), est un exercice des plus délicats. Je crois qu’à partir du moment où on a commencé à en parler, le silence total n’est plus de mise. On est aujourd’hui dans une espèce d’entre-deux pas vraiment satisfaisant et qui, d’ailleurs, ne tiendra pas. Les familles des otages ne sont peut-être pas non plus d’accord entre elles sur l’attitude à adopter.
A quel moment, alors, estimez-vous qu’il sera souhaitable de publier leur nom et leur visage. Bref, de sensibiliser l’opinion publique afin d’accélérer leur libération ? Dès qu’on sentira que la mobilisation des pouvoirs publics commence à retomber, ce qui n’est pas le cas actuellement. Jusqu’à présent, tout le monde est sur le pont 24h/24. Mais on le sait par expérience : plus les jours passent, moins les personnes mobilisées sont nombreuses.
Vous aviez aussi sollicité un rendez-vous auprès de Nicolas Sarkozy, qui, dans les premiers jours, avait évoqué la prétendue imprudence des deux journalistes. Le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, parlait, lui, du « coût exorbitant » de leur libération. Vous ont-ils fourni des explications ? Nous n’avons pas pu les rencontrer. Je crois toutefois que les autorités ont compris leur erreur. La polémique est close. Jusqu’à la libération de nos deux confrères.
. Richard Sénéjoux
(1) David Rhode a été détenu sept mois en Afghanistan. Son enlèvement n’a été révélé qu’au moment où il a réussi à fausser compagnie à ses geôliers, en juin 2009.