OTAGES KENYA : Le Kenya hanté par le spectre des enlèvements de touristes
Le Kenya semble ces dernières semaines hanté par le spectre des enlèvements de touristes étrangers, qui mettent à nu le "laxisme sécuritaire" des autorités kenyanes, face à des menaces persistantes de groupes extrémistes somaliens, soulignent les analystes.
Ils font observer que le kidnapping, jeudi dernier, de deux Espagnoles travaillant pour Médecins sans frontières (MSF) dans le camp de réfugiés de Dadaab, au Nord-est du Kenya, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et incité les autorités sécuritaires à sortir de leur "léthargie" et faire montre de plus de fermeté à l’égard de ces attaques répétitives qui menacent non seulement la sécurité du pays, mais aussi son économie et sa réputation en tant que destination touristique prisée.
Force est de constater qu’en l’espace d’un peu plus d’un mois, un touriste a été tué, alors que quatre autres de nationalités différentes ont été pris au piège par des hommes lourdement armés qui les ont emmenés en Somalie, apparemment pour demander des rançons qui serviront à financer leurs activités belliqueuses.
Déjà au début de ce mois, la Française Marie-Dieu a été enlevée à son domicile sur l’île de Manda, au Nord-Est du pays par des hommes qui ont réussi à gagner le petit port somalien de Ras Kamboni en canot rapide.
De surcroît, un touriste britannique a été abattu et son épouse Judith Tebbutt kidnappée dans une attaque perpétrée, le 11 sept dernier, dans une station balnéaire au Nord de l’île de Lamu, frontalière avec la Somalie.
Cette escalade de raids transfrontaliers effectués par les extrémistes somaliens, notent les analystes, fait courir au Kenya de grands risques en termes de sécurité, de stabilité et de pertes économiques.
Des risques que Médecins sans frontières a pris au sérieux en décidant de retirer tout son personnel humanitaire des camps de Dadaab, après le rapt de ses deux employées espagnoles.
Conscientes de ces enjeux, les autorités kenyanes n’ont pas eu de cesse de déclarer que le pays a pris des mesures fermes pour préserver son intégrité territoriale, en invoquant l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui permet à un pays sous l’agression de poursuivre ses agresseurs au delà de ses limites territoriales.
"L’intégrité du Kenya est en jeu et doit être protégée des agressions extérieures", a déclaré le ministre de la Sécurité intérieure, George Saitoti lors d’une Conférence de presse conjointe avec le ministre de la défense, Youssouf Hadji, appelant la communauté internationale à jouer son rôle pour la restauration de la paix et la stabilité en Somalie.
Joignant la parole aux actes, le Kenya a lancé, dimanche, une offensive militaire à l’intérieur de la Somalie contre les membres du groupe extrémiste somalien Al-Chabab soupçonnés d’être derrière les enlèvements de touristes étrangers.
"Nos forces se sont d’abord rassemblées dans tous les points frontaliers, puis sont entrées 100 km à l’intérieur de la Somalie pour poursuivre les terroristes", a déclaré un porte parole de l’armée.
Bien avant cette série de kidnappings de touristes étrangers, les autorités kenyanes avaient à plusieurs reprises mis en garde la communauté internationale contre le risque que représente l’afflux de centaines de milliers de réfugiés somaliens sur la sécurité du Kenya.
"L’instabilité en Somalie n’est pas seulement une menace pour la paix et la sécurité régionale et internationale, mais aussi un obstacle majeur au commerce maritime", avait affirmé le Président kenyan, Mwai Kibaki.
Lors d’un entretien, dans la capitale kenyane, avec le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, le président Kibaki avait déclaré que "l’instabilité en Somalie a entraîné le double problème du terrorisme et de la piraterie", soulignant que son pays est "sérieusement préoccupé par la situation instable et imprévisible dans ce pays de la Corne de l’Afrique".
Le Kenya accueille près de 500.000 réfugiés somaliens installés dans les camps de Dadaab, les plus grands au monde, un nombre qui est en constante augmentation en raison de l’instabilité et la famine en Somalie.
En effet, le Kenya reproche à la communauté internationale un double standard en cherchant à protéger les réfugiés somaliens au détriment de la sécurité des Kenyans.
Après le rapt des deux Espagnoles, le gouvernement kenyan a annoncé avoir commencé à revoir la sélection des réfugiés somaliens dans les camps pour débusquer ceux qui sont soupçonnés de se cacher parmi la population et provoquer la discorde dans le pays.
C’est dire qu’outre leur impact indéniable sur le volet sécuritaire, ces nouveaux incidents peuvent porter un coup dur à l’industrie touristique, particulièrement dans la région côtière du pays qui s’étend sur 536 km, notent les analystes. En témoigne d’ailleurs les protestations des opérateurs touristiques de la région contre ce qu’ils ont qualifié de "laxisme sécuritaire du gouvernement" qui menace sérieusement leurs activités.
En réponse à ces préoccupations, le ministre du tourisme, Najib Balala a déclaré à l’adresse des opérateurs touristiques que le gouvernement kenyan fait tout son possible pour renforcer la sécurité et protéger les touristes dans les régions côtières du pays. "la sécurité sera renforcée et le Kenya dispose de suffisamment de capacités pour défendre ses frontières", a-t-il dit.
Plus tôt cette année, des analystes avaient mis en garde, , que les pirates somaliens pourraient se tourner vers des cibles plus faciles, comme les touristes au Kenya.
Ils font observer qu’après avoir attaqué des navires dans l’océan Indien, désormais protégés par des patrouilles navales américaines et européennes, les pirates s’en prennent depuis quelques années à des touristes plus faciles à atteindre pour essayer d’obtenir de fortes rançons.