OTAGES LYBIE : Rachid Hamdani, ex-otage suisse : "Tout seul dans ma cellule, je m’attendais au pire"
TEMOIGNAGE : Tant que Max Göldi était retenu en Lybie, Rachid Hamdani ne pouvait s’exprimer ouvertement. Cinq jours après la libération de son ami, il explique en détails au "Tages-Anzeiger" son séjour forcé.
© LAURENT GILLIERON | Rachid Hamdani pose devant son pavillion à Crans-pres-Celigny. Depuis sa libération, il tente d’oublier ce qui s’est passé.
par Blandine Guignier pour LA TRIBUNE DE GENEVE
"Juste un petit contrôle, un quart d’heure suffira." Le quart d’heure aura duré presque deux ans. Rachid Hamdani raconte cette période d’attente et d’incertitude, dans une interview exclusive accordée au Tages-Anzeiger.
« Avec la peur pour compagnon »
Contrairement à Max Göldi resté à l’ambassade suisse, l’otage vit dans un appartement à l’extérieur de Tripoli. Il revient régulièrement au consulat, au moment des premières négociations. « Des policiers étaient postés tout autour de l’immeuble 24 heures sur 24, explique-t-il au quotidien alémanique. Quand quelqu’un quittait le bâtiment, ils le suivaient à la trace. » Durant un an, bloqué en Libye, l’otage reste dans l’incertitude, avec la peur pour compagnon, déclare-t-il.
Halte aux rumeurs Les rumeurs colportées en Suisse à cette époque, l’ancien captif s’en défend dans l’interview. Il réfute l’image d’un pseudo otage, qui joue au tennis et part en vacances en Tunisie. L’homme de 70 ans s’explique : « En effet, je n’ai jamais autant tenu une raquette en main en trente ans. Il y avait une table de ping-pong à l’ambassade, sur laquelle nous jouions avec Max et le personnel. Mais par 40 degrés, nous restions à l’ombre le plus souvent. Mais quelle idée absurde cette histoire de vacances ! Comment j’aurais pu voyager sans passeport ? Et si j’étais parti, j’aurais mis Max en danger. » « Dans cette affaire, chacun a fait de son mieux pour améliorer notre situation »
Au mois d’août 2009, Hanz Rudolf Merz tente de les libérer. Rachid Hamdani salue cette opération humanitaire. Selon lui, elle a permis aux otages de reprendre espoir et de se déplacer plus librement à Tripoli. « Dans cette affaire, ajoute-il, chacun a fait de son mieux pour améliorer notre situation. La première tentative, la seconde, la troisième n’ont certes pas fonctionné. Mais tous ces essais ont débouché sur une réussite au final. » En cellule d’isolement
Séparé de Max Göldi, le 18 septembre 2009, Rachid Hamdani est placé en cellule d’isolement. Il n’a aucun contact avec le monde extérieur. Il cogite : « Tout seul dans ma cellule, je retournais deux idées dans ma tête : j’attendais le pire. Mais j’avais aussi la certitude, qu’il y avait des témoins de notre enlèvement : les deux collaborateurs de l’ambassade. Nous savions que la Suisse était derrière nous. Personne ne nous laisserait pour mort ou disparu. » Au cinquante-troisième jour de captivité, un garde de la prison l’ordonne de se préparer. Max Göldi et lui sont traduis devant un tribunal. Bien que condamné, il ne retourne pas en prison. Il évoque, dans l’entretien accordé au quotidien zurichois, la joie ressentie à cet instant : « C’était un moment fantastique. C’était comme-ci quelqu’un du ciel descendait sur la terre. Après 53 jours sans nouvelles. Avec l’incertitude en Suisse : Sont-ils morts ? Sont-ils encore en vie ? » Dans le taxi qui le ramène à l’ambassade, il s’empresse d’appeler sa femme. De retour au consulat à Tripoli, l’émotion est vive. « Les larmes coulaient, » confie l’ancien otage. Libération et retour en Suisse
De retour à l’ambassade suisse, l’insécurité plane toujours. Les diplomates allemands et suisses s’activent mais rien ne bouge, jusqu’au procès en décembre 2009. D’abord condamné à seize mois d’emprisonnement, Rachid Hamdani est finalement libéré suite à la décision de la cour d’appel du 31 janvier. Depuis son retour à Nyon auprès de sa femme, le retraité tente d’oublier ce qui s’est passé. « J’y arrive en vivant comment avant la Libye ». Il pense aussi à son compagnon de galère : « Pour Max, c’est d’une autre teneur, parce qu’il a été enfermé quatre mois de plus. Je me réjouis de le revoir bientôt. Mais pour l’instant nous laissons les Göldi en paix. »
Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’interview sur le site web du Tages Anzeiger