SUR LA CHAINE PARLEMENTAIRE
Liban - 1985 - 1988 Le temps des otages
Diffusion le 2 janvier 2010 sur LCP à 17H
Retour sur la vague d’enlèvements survenue au Liban de 1985 à 1988, avec les témoignages d’anciens otages français qui parlent de leurs conditions de détention.
De 1985 à 1988, au Liban, un effarante vague d’enlèvements a frappé le monde occidental et particulièrement les Français, qui ont compté jusqu’à neuf concitoyens détenus à Beyrouth : Michel Seurat, Philippe Rochot, Georges Hansen, Aurel Cornéa, Jean-Louis Normandin et Roger Auqué. Enchaînés la plupart du temps, transportés de cave en cave, d’appartement aveugle en parking souterrain, il leur arrivait de rester de longues heures enfermés dans un cercueil lorsque leurs ravisseurs, pour des raisons de sécurité, devaient les évacuer de la banlieue sud de Beyrouth. A travers le récit et les souvenirs des anciens otages, ce documentaire revient sur leurs conditions de détention. Il révèle aussi les manoeuvres franco-françaises qui ont entouré les tractations avec le régime iranien.
Réalisateur : Jean-Claude Deniau
Auteur : Stéphane Khémis
Durée : 1 heure 35 minutes
Producteur : JEM Productions
AUTRES DIFFUSIONS
Samedi prochain à 17H sur LCP Samedi prochain à 17H02 sur 24/24 Lundi prochain à 22H01 sur 24/24 Jeudi 7 janvier à 16H29 sur 24/24 Jeudi 7 janvier à 16H30 sur LCP Dimanche 10 janvier à 9H sur 24/24
C’était il y a plus de vingt ans. Chaque soir, les journaux télévisés affichaient le nombre de jours - avec le commentaire rituel : « Les otages français au Liban n’ont toujours pas été libérés. » Entre 1985 et 1988, leur nombre a varié, atteignant à un moment neuf personnes : Marcel Carton, Marcel Fontaine, Jean-Paul Kauffmann, Michel Seurat, Philippe Rochot, Georges Hansen, Aurel Cornéa, Jean-Louis Normandin, Roger Auque. Cette vague d’enlèvements a concerné la France plus que les autres pays. Diplomates, chercheurs, journalistes ou techniciens, tous avaient été happés par un mécanisme qui les dépassait - et dépassait aussi leurs geôliers, misérables exécutants fanatisés, « tous d’une exceptionnelle stupidité », dit l’un des ex-otages. Enchaînés, mal nourris, brinquebalés nuitamment de cave en cave dans la banlieue sud de Beyrouth. Humiliés, menacés de mort, et toujours maintenus dans l’ignorance de leur lendemain.
On ne se remet jamais d’une pareille épreuve, surtout quand elle a duré jusqu’à trois ans. Michel Seurat, lui, a succombé d’une hépatite non soignée. C’est pourquoi ces revenants avaient choisi de s’enfermer dans le silence, pour tenter de se débarrasser du « statut d’ex-otage, qui vous colle à la peau », comme dit Jean-Paul Kauffmann. Car on ne peut pas passer le restant de sa vie à « être le cabotin de sa propre souffrance ». Hélas ! « Le monde extérieur ne l’entend pas de cette oreille. » Le public a trop besoin de savoir et, après vingt ans et quelques de silence, les victimes de cette sombre histoire - ainsi que beaucoup d’autres protagonistes du pouvoir d’alors ou de ses coulisses - se sont résolus à témoigner. Pour qu’enfin lumière soit faite... dans la mesure du possible.
En 1986-1987, à l’époque des faits, pour les besoins de précédents documentaires, Deniau avait déjà enquêté sur place. Pour constater qu’à Beyrouth, d’innombrables intermédiaires offraient volontiers leurs services, moyennant finance. Mais « il s’agissait toujours de farfelus, d’illuminés et de truands ». C’est que la solution du problème ne se trouvait pas au Liban : les véritables commanditaires de ces prises d’otages étaient... à Téhéran. En effet, à l’époque, le régime des mollahs formulait trois griefs contre la France :
1) Il entendait se faire rembourser l’investissement d’un milliard de dollars effectué par le shah dans l’usine d’enrichissement d’uranium Eurodif ;
2) Il exigeait la libération du commando d’Anis Naccache, auteur de l’assassinat de Chapour Bakhtiar, ancien Premier ministre du shah ;
3) Il sommait la France, dans le cadre de la guerre Iran-Irak, de mettre un terme à son embargo sur les ventes d’armes au régime iranien.
Faisant parler les principaux acteurs et témoins - Gilles Ménage, Charles Pasqua, Roland Dumas, en passant par le diplomate iranien Mohamed Sadek Husseini -, le film nous entraîne dans les coulisses de ces tractations, ou dévoile du moins ce qu’on veut bien nous en montrer. Avec les hauts et les bas qu’ont connus les négociations, les libérations d’un otage ou deux, puis les raidissements et blocages successifs. Les attentats à Paris, l’affaire Gordji, la rupture des relations diplomatiques puis le blocus de l’ambassade d’Iran.
Résumons : l’Iran a fini par avoir ce qu’il voulait et, au bout du compte, tous les otages ont été libérés - à la dramatique exception de Michel Seurat, bien sûr. Vingt ans plus tard, nos otages distillent de-ci de-là quelques anecdotes tragi-comiques : une tentative d’évasion ; le fait que deux d’entre eux ont fait connaissance alors qu’ils se trouvaient enfermés dans le coffre d’une voiture ; ou la conversion de Normandin, devenu « croyant et chrétien » grâce à une bible (en anglais) offerte par un geôlier...
Mais l’horreur n’est jamais loin, et ne provient pas seulement des « barbares fanatiques ». Elle apparaît aussi du côté franco-français, lorsqu’on apprend qu’à au moins deux reprises, à l’approche d’échéances électorales, les libérations - en très bonne voie - ont été repoussées. Pour la seule raison que l’opposition de droite, ou de gauche, faisait en coulisses des promesses plus généreuses. Juste pour s’attribuer la gloriole de l’heureuse issue... en la repoussant à plus tard.
Fabien Gruhier