OTAGES COTE D’IVOIRE : Les hôtels de paix...et l’enlèvement de Stéphane Frantz Di Rippel, au Novotel d’Abidjan (Rédigé par Pierre-Olivier Sur, avocat à la Cour)
Le 4 avril dernier à Abidjan, le directeur du Novotel, Stéphane Frantz Di Rippel était capturé dans son hôtel et emmené par des hommes armés. Il aurait ensuite été conduit au palais présidentiel de Laurent Gbagbo. Puis, il y aurait eu un ordre d’exécution. Et plus de nouvelle.
Sa compagne, ses deux filles, son frère, son très vieux père attendent. Car du chaos il ressort toujours quelque chose. Mais quoi ? Un témoin .... Une trace de vie ... Ou seulement un corps ? Aujourd’hui ils ont confiance dans le travail des autorités françaises et ivoiriennes. La diplomatie, la justice, l’armée. C’est une union sacrée magnifique, qui s’est constituée autour d’eux. Merci à la juge Patricia Simon et au Président Nicolas Sarkozy d’être symboliquement avec eux, à Abidjan !
Et merci à l’association des hôtels de Bruxelles (BHA), d’avoir organisé en présence de son ministre du tourisme Monsieur Christos Doulkeridis la mise en place d’une chaîne de solidarité dans la grande famille des Hôtels, pour que Stéphane Frantz Di Rippel demeure au jour le jour, malgré son absence, au cur de toutes les pensées.
Car au-delà de Stéphane, c’est un directeur d’Hôtel qui a été pris pour cible.
Un Hôtel en temps de guerre c’est un lieu d’immunité, de communication, d’échange - et parfois le seul foyer quand il n’y a plus rien, comme les relais de poste autrefois, les refuges en haute montagne, le Peter’s bar aux Açores pour les navigateurs à la voile avant l’invention du GPS. Tant qu’un Hôtel reste ouvert, il est possible de vivre, à Grozny comme en Lybie sous les bombes, ici comme ailleurs. Alors, même si on n’a pas les moyens d’y dormir, même si l’on est d’un camp ou d’un autre camp, on y vient juste prendre un verre. Et peut-être préparer la paix.
On se souvient de l’Holiday Inn de Sarajevo situé sur la Sniper avenue, criblé de balles, mais refuge des journalistes de guerre. De l’Intercontinental de Bucarest où la police de Ceausescu ne pût jamais rentrer parce qu’il était protégé par des hordes de mineurs et qu’il fut ainsi le refuge des manifestants. De l’hôtel Royal de Phnom Penh et du Cambodiana qui, entre le fleuve Mékong et les batteries de chars Khmers rouges tenues par des enfants soldats, étaient le refuge de la presse, de la Croix rouge, des ONG.
Et puis il y a le King David de Jérusalem sur la ligne d’armistice ; le Lédra palace de Chypre sur une autre ligne d’armistice ; le Saint Georges de Beyrouth qui avait accueilli Malraux, Brigitte Bardot, puis des années plus tard, la dépouille de Rafic Hariri, victime d’un attentat devant ses portes.
Hommage aux morts du Taj Mahal de Bombay en 2008. Hommage à ceux qui ont été torturés à l’hôtel Lutetia, pendant l’Occupation de Paris...
Et pitié pour les dépouilles ! Je pense à un hôtel international de Téhéran où les piscines sont vidées, où les boutiques sont transformées en standards d’écoutes téléphoniques, où d’étranges oiseaux noirs qui sont des femmes mais qu’on ne voit plus rasent les murs. Drôle de monde, avec sa nuée d’espions déguisés en serveurs qui tendent l’oreille à chaque table, avec son arche monumentale à l’entrée du parc. Et l’espace désert, pour l’orchestre. Où sont les lendemains qui chantent ?
Aujourd’hui nous voici sur la terrasse de l’hôtel de Bagdad. Les micros et les caméras attendent le premier bombardement américain. Nous n’avons pas peur. Même en guerre. Parce que nous sommes « à l’hôtel ». Stéphane n’avait pas peur. Pourtant, avec Karine, ils échangeaient un email toutes les deux heures, pour tenir le coup.
Check in Check out. On entre on sort. En confiance. Comme aux plus beaux jours, même si on est en guerre. Comme un dernier souffle du pays qui respire. Car il y a toujours quelque chose de romantique dans un hôtel. Le miracle d’un lieu d’amour dont il restera encore une magie. Alors on ne peut accepter qu’on y trouve la mort.