OTAGES COLOMBIE : L’enlèvement d’un Français en Colombie ravive les interrogations sur la stratégie des Farc
Le sort du journaliste français Roméo Langlois ravive les conjectures en Colombie sur le rôle de la guérilla des Farc, mettant en question sa récente promesse d’abandonner les enlèvements et ses appels à des négociations de paix.
De nombreuses voix se sont récemment élevées pour rappeler l’engagement des rebelles marxistes, désignés par les autorités comme les probables ravisseurs du correspondant, disparu lors de l’embuscade d’une brigade anti-drogue avec laquelle il réalisait le 28 avril un reportage dans le sud du pays.
Pour le ministre colombien de la Défense Juan Carlos Pinzon, cet épisode démontre que la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) n’a "ni cohésion, ni la capacité de respecter sa parole et continue de mentir systématiquement".
"Cette affaire remet complètement en question l’idée selon laquelle les Farc auraient un quelconque intérêt à renoncer à la violence", a estimé Roman Ortiz, spécialiste de la guérilla et professeur à l’Université des Andes de Bogota, dans un entretien à l’AFP.
En février, la principale guérilla colombienne, qui compte encore 9.200 combattants après un demi-siècle d’existence, a proclamé la fin des enlèvements contre rançons, avant de libérer en avril les derniers militaires retenus en otage en appelant à faire le "pari de la paix".
Mais, selon M. Ortiz, les Farc ont seulement libéré ces otages car ils étaient "peu rentables politiquement" et que leur surveillance mobilisait "beaucoup de rebelles sur le terrain".
Dans son dernier message, publié le 19 avril, le numéro un des Farc, Timoleon Jimenez alias "Timochenko" avait averti que "s’asseoir pour discuter n’impliquait aucune sorte de reddition".
"La guérilla a joué sur les mots en renonçant aux séquestrations à des fins d’extorsion, mais pas à la capture de prisonniers de guerre", affirme aussi à l’AFP Ariel Avila, expert à la fondation Nuevo Arco Iris, spécialiste du conflit colombien.
Un message signé par une unité régionale des Farc a justement qualifié le journaliste français de "prisonnier de guerre", une revendication qui n’a pas été validée par sa direction nationale.
Le président colombien Juan Manuel Santos a réaffirmé vendredi avoir "des indices" mais "pas de certitude" sur l’enlèvement de M. Langlois par les Farc.
Toutefois, selon M. Ortiz, il est impensable qu’un groupe local agisse de "manière indépendante" dans cette affaire. "Ce cas est suffisamment grave pour que la direction soit avertie immédiatement", affirme-t-il.
L’enlèvement du journaliste peut paraître aux Farc "politiquement rentable car c’est un étranger et que cela remet la pression sur le gouvernement", souligne l’expert.
Toutefois l’hypothèse d’un scénario similaire à celui de l’otage franco-colombien Ingrid Betancourt, enlevée en 2002 et libérée après six ans de captivité, n’est pas d’actualité.
"Ce n’est pas du tout le même contexte politique, la situation a beaucoup changé", selon un diplomate français interrogé par l’AFP. En dix ans, ses troupes ont en effet été divisées de moitié et se sont repliées dans les régions rurales du pays.
Enfin, le silence observé par les chefs de la guérilla sur le sort du journaliste peut aussi avoir une explication d’après M. Ortiz.
La suspension des opérations militaires dans la zone, décidée pour ne pas mettre en péril la vie de M. Langlois, peut procurer "une plus grande marge de manoeuvre" aux Farc pour se réorganiser dans ce fief abritant les principaux laboratoires clandestins de cocaïne.