PROJET DE LOI KOUCHNER : des ex-otages, dont Jean-Louis Normandin, Président d’Otages du Monde, opposés au paiement éventuel des frais de libération
PARIS - Des ex-otages et des experts se sont dits opposés à l’égard d’une loi en France qui permettra à l’Etat d’exiger le remboursement des frais engagés pour venir en secours d’un Français à l’étranger, comme dans le cas de la libération d’un otage.
Jean-Louis Normandin, journaliste et otage au Liban de mars 1986 à novembre 1987, a dit à l’AFP être "révolté" par ce projet, "du moins si l’on considère qu’un citoyen français appartient à la Nation".
La loi, adoptée lundi soir à l’Assemblée nationale, prévoit que "l’Etat peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu’il a engagées ou dont il serait redevable à l’égard de tiers à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger au bénéfice de personnes s’étant délibérément exposées" à des risques "qu’elles ne pouvaient ignorer".
Le texte exclut les personnes ayant un "motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d’une situation d’urgence".
Cette loi est débattue alors que deux journalistes de France 3, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, sont retenus en otages depuis décembre 2009 en Afghanistan. L’état-major des Armées avait affirmé en février que les opérations de recherche avaient déjà coûté plus de 10 millions d’euros.
Chloé Lemaçon, dont le mari a été tué par un commando français venu les libérer d’une prise d’otages par des pirates somaliens sur leur voilier Tanit en avril 2009, se demande comment sera "déterminée la légitimité à être là ou pas et qui va décider de la zone à risque". A plusieurs reprises, la marine nationale leur avait fermement déconseillé de poursuivre leur route au large de la Somalie.
Frédéric Gallois, directeur d’une société française de "sûreté stratégique", décrit par ailleurs "l’émergence des assurances enlèvement/rançon auxquelles souscrivent confidentiellement de plus en plus de grandes sociétés" pour leurs collaborateurs à l’étranger.
"On se dirige vers un mécanisme privé pervers car ce type d’assurances - très coûteuses - ne peuvent être évidemment prises par des gens modestes", regrette-t-il.
Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a tenté de relativiser la portée de cette mesure qui ne concerne pas les journalistes ou les humanitaires mais les touristes.
La disposition critiquée vise selon lui à "inciter les voyageurs à mieux" prendre en compte "les prises de risques inutiles", a-t-il expliqué. Il s’agit en outre pour l’Etat de pouvoir "exercer une action à l’égard des opérateurs, qu’ils soient transporteurs, voyagistes ou compagnies d’assurance et qui n’ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus sans être en mesure de mettre en évidence un cas de force majeure".
Le projet a été jugé "démagogique" par un voyagiste français, Allibert Trekking, qui dénonce une loi "susceptible de fragiliser l’activité des tour-opérateurs adeptes d’un tourisme dit d’aventure mais surtout d’un tourisme responsable".
(©AFP / 06 juillet 2010 18h58)