Le débriefing des trois ex-otages au Mali, étape obligée après la liberté (PAPIER D’ANGLE)
PARIS, 28 fév 2011 (AFP) - Comme tous les otages après leur libération, les trois personnes relâchées après cinq mois de captivité par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) sont en cours de débriefing par les services secrets français, étape obligée après leur retour en France avec celle des examens médicaux.
Ces débriefings (rapports de mission) devraient permettre aux agents et aux analystes de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de recouper leurs informations sur le groupe qui a libéré vendredi Françoise Larribe, Jean-Claude Rakotorilalao et Alex Awando, explique à l’AFP Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R).
Quatre Français, tous des hommes, restent aux mains d’Aqmi : Daniel Larribe, cadre du groupe Areva et époux de Françoise Larribe, Thierry Dol, Pierre Legrand et Marc Ferret. Au total, sept personnes avaient été enlevés le 16 septembre 2010 sur le site d’extraction d’uranium d’Arlit (nord du Niger).
Selon Eric Denécé, chaque débriefing se déroule "en deux temps au moins, le premier probablement dans l’avion du retour dans la nuit de vendredi à samedi entre Niamey et Paris en s’appuyant sur la mémoire et les émotions immédiates de l’ex-otage".
La seconde phase, "quelques jours plus tard" vise à obtenir le maximum d’éléments : lieux, ressenti, calendrier de la captivité, détails sur les ravisseurs et les gardiens, armements, véhicules ... Ces informations seront, ajoute Eric Denécé, comparées avec des éléments recueillis par d’autres sources.
Pierre Camatte, membre d’une ONG détenu près de trois mois dans le désert malien par Aqmi avant d’être libéré en février 2010, a connu trois phases : "accueil par la cellule de crise" (du Quai d’Orsay, ndlr) ; "remise en phase" au cours de laquelle la cellule raconte ce qui s’est passé pendant sa détention.
"En détention, dit Pierre Camatte à l’AFP, on ne sait rien, on est coupé du monde. J’ai alors appris qu’il y avait eu des ultimatums (de la part des ravisseurs), qu’il y avait eu des contacts réguliers, des réunions avec ma famille". L’ex-otage passe ensuite un "examen médical", poursuit-il expliquant qu’il a fait des analyses de sang et passé un scanner, car il avait des côtes cassées après avoir été frappé.
Ensuite, il a rencontré un psychiatre car "quand on revient de captivité, on est encore un peu là-bas, on n’en sort pas tout de suite". Enfin Pierre Camatte, raconte qu’il a été interrogé par les services de renseignements, qui sont "toujours dans l’attente de certaines informations" sur les ravisseurs.
Dans le cas de Françoise Larribe, relève Eric Denécé, le débriefing sera "probablement plus compliqué car son mari est encore détenu et elle va sans doute se dire : "+Je ne dois pas en dire trop+". Selon ce spécialiste, la "situation est plus complexe pour les services puisque quatre personnes sont encore détenues".
Ce travail de débriefing va enfin permettre aux services secrets de "reconstituer les modes opératoires des ravisseurs d’Aqmi et de faire un +retex+ (retour d’expérience) sur les différents intermédiaires qui ont participé aux négociations".
Ces méthodes de débriefing se sont considérablement améliorées avec le temps.
Jean-Louis Normandin, otage au Liban de mai 1986 à novembre 1987, se souvient d’un premier débriefing boulevard Mortier à Paris (XXème), au siège de la DGSE, par deux agents qui transcrivaient ses propos à la machine à écrire. Puis d’un second débriefing "mystérieux" par deux policiers de la DST au... Jardin d’acclimatation, confie-t-il à l’AFP.