SCRIPT DU DISCOURS D’INGRID BETANCOURT A L’ONU
Discours prononc� en anglais par Ingrid Betancourt, en ouverture du Symposium sur les victimes du terrorisme, organis� ce mardi 9 septembre � l’ONU :
DISCOURS D’INGRID BETANCOURT A L’ONU le 9 septembre 2008
Il y a tout juste deux mois j’�tais encha�n�e � un arbre. Mes bourreaux nous traitaient, moi et mes compagnons, sans compassion. Leur cruaut� quotidienne nous montrait le pire dont l’homme est capable. Depuis le jour de ma lib�ration, j’ai senti que le miracle d’�tre en vie et libre, me donnait une responsabilit� vis-�-vis de ceux que j’ai laiss� dans les profondeurs de la jungle, il y a exactement 69 jours. C’est pourquoi il est de mon devoir de parler pour eux, pour ceux qui ont perdu leur voix.
A ce moment pr�cis, leur destin est incertain, personne ne peux pr�voir le jour de leur lib�ration. Chaque minute qui passe aggrave l’�preuve qu’ils vivent. Car lorsque vous �tes retenus en captivit�, vous regardez seulement vers votre vie pass�e pour �courter vos jours de souffrance ; vous ne regardez pas vers le futur, car le futur ne vous appartient plus.
J’ai �t� extr�mement �mue lorsque le Secr�taire G�n�ral des Nations Unis, Mr. Ban Ki-moon, m’a invit� � me joindre � vous aujourd’hui. J’ai accept� son invitation sans h�sitation, car, je sais profond�ment que je ne serai jamais vraiment libre tant que ceux que j’ai laiss�s derri�re ne le seront pas aussi.
Je viens devant vous aujourd’hui avec beaucoup d’humilit�, car je ne sais que trop bien que j’arrive les mains vides, charg�e du poids de nombreuses questions, mais aussi de quelques r�ponses. N�anmoins je partagerai avec vous mon exp�rience et mes pens�es, avec l’espoir qu’ensemble nous pouvons travailler � mettre fin � la souffrance des victimes du terrorisme � travers le monde.
Quand vous �tes une victime du terrorisme, vous entrez dans un espace diff�rent, une autre dimension. En un instant, vous perdez tout.
Pour une victime du terrorisme, le plus grand danger est d’�tre oubli�e. Pi�g�e dans un monde qui existe en dehors de la loi, un monde sans droit, sans protection, votre seul recours �tant la r�sistance morale. Vous pouvez aussi trouver la force de r�sister si vous �tes soutenu par les voix de ceux qui sont « dehors », ceux qui se battent pour vous sauver.
Les familles portent la flamme et prot�ge la victime contre cette si douloureuse « petite mort » qui consiste � �tre oubli�. Leur engagement est vital. Nous devons supporter les femmes, maris, enfants, m�res et p�res des victimes. Nous devons �tre derri�re eux, les soutenir, leur garantir la s�curit� - cet imp�ratif devant �tre au premier plan de toutes nos actions. Il est �vident que lorsqu’un individu est sacrifi� dans la machine du terrorisme, sa vie s’arr�te, il ne peut plus agir ou �tre productif. Sa disparition a comme cons�quence imm�diate de laisser sa famille dans le besoin. Vous voyez, le drame du terrorisme est une pi�ce en plusieurs actes. Apr�s le souffle soudain de la violence, vient la perte d’un domicile, la difficult� � obtenir des soins m�dicaux, l’interruption ou l’arr�t total de l’�ducation des enfants, et finalement l’accumulation sans fin des dettes.
Il n’y a pas de plus grande souffrance pour un otage, d�j� sujet � l’abus, au despotisme et � l’isolement, que de regarder, compl�tement impuissant, la d�sint�gration de sa famille. Je crois qu’� l’int�rieur de chacun de nous il existe la force de porter une croix, mais la souffrance que cause notre situation � ceux que nous aimons, est tout simplement insupportable.
Il est de notre devoir de reconna�tre que les victimes sont sous la Loi International et de cr�er pour eux un « Statut International ».
Premi�rement, ce statut nous permettra de centraliser les informations que nous poss�dons sur chacune des victimes afin qu’� n’importe quel moment donn�, nous puissions savoir qui ils sont et ce qu’ils endurent - informations que nous pouvons rendre disponibles, par exemple, sur un site web de l’ONU. Comme nous le savons tous, l’acc�s � l’information est strat�gique. De trop nombreux �tats totalitaires cachent la r�alit� des victimes de leur terrorisme dans leur pays afin de ne pas en �tre responsable devant le monde. La centralisation de donn�es � un niveau mondial montrera qu’une pression significative peut �tre exerc�e au nom des victimes. Exposer au monde la r�alit� de leur �preuve est le meilleur moyen de lutter contre l’indiff�rence et l’abandon.
Deuxi�mement, si une personne est officiellement reconnue comme une “victime du terrorisme” par les Nations Unies”, elle pourrait b�n�ficier du soutien d’un �tat, d’une ville, d’une organisation, qui suivra son cas et soutiendra sa famille. Chaque pays membre des Nations Unis serait � m�me de d�velopper une l�gislation pour prot�ger les familles et agiter les consciences.
Quand j’�tais dans la jungle, j’avais un visage et j’avais un nom. Je demande maintenant que nous fassions la m�me chose pour ceux qui sont rest�s derri�re. Je n’aurai jamais la possibilit� de remercier assez les milliers de personne qui ont manifest� en mon nom pour demander ma lib�ration et celle de mes compagnons de captivit�. Ils m’ont donn� ce visage et ce nom.
Ces gens ont fait de nous - les victimes - une part de leur vie quotidienne, inventant sans cesse des moyens de lutter contre l’apathie et la r�signation. Ils se sont engag�s dans une t�che ingrate et difficile ; ils ont �uvr� comme des fourmis dans le plus �pres des d�serts : celui de l’indiff�rence.
Si j’ai surv�cu, c’est gr�ce � eux. Dans le d�sespoir de la captivit�, je me suis lev�e chaque matin � 4h00 pour �couter, sur ma vieille radio ab�m�e, ma m�re qui m’envoyait des messages. A travers ce que je pouvais glaner, j’ai commenc� � r�aliser les incroyables efforts entrepris en notre nom par de parfaits inconnus. Cr�er un statut officiel pour les victimes du terrorisme aidera � multiplier les efforts de ceux qui, par leur altruisme et leur g�n�rosit�, veulent aider les autres. Ce sera aussi une fa�on de rassurer les milliers de victimes anonymes sur le fait qu’elles appartiennent toujours au monde des humains, et que leurs familles ont le droit de s’exprimer et le droit d’�tre entendues.
Car ce droit d’expression n’est pas toujours facile � assurer. Les victimes du terrorisme tombent souvent dans une cat�gorie complexe, leur lutte n’est pas toujours « politiquement correcte ».
Puisque l’action terroriste cherche toujours � se masquer derri�re des justifications politiques ou religieuses, il faut - de facto - choisir un camp pour d�fendre les victimes. Cela revient � �tre �ject� du confort de la zone de neutralit� pour s’engager dans une lutte accablante qui nous d�passe, de telle sorte qu’on ne peut ni la comprendre ou la contr�ler. Nous devons trouver un moyen de pr�server l’ind�pendance de ceux qui luttent, de les prot�ger contre l’opportunisme religieux et/ou partisan et du fanatisme.
Donner une tribune aux familles, c’est lancer une v�ritable corde de vie aux captifs. Ici, le r�le des m�dias est crucial. En appelant � une r�flexion mondiale sur notre responsabilit� envers les victimes, nous tirons aussi un signal d’alarme vis-�-vis des m�dias. Il est urgent qu’ils reconnaissent non seulement leur pouvoir de mobilisation, mais aussi le r�el impact qu’ils ont lorsqu’il s’agit de sauver des vies individuelles.
Cela soul�ve bien entendu une question fondamentale : l’exposition m�diatique d’une victime est-elle une bonne ou une mauvaise chose ? Ma r�ponse sur ce point est sans �quivoque. La couverture m�diatique est absolument essentielle. En effet, certaines personnes pensent que parler des victimes revient � donner un coup de main aux terroristes, � « jouer leur jeux », en donnant du poids et de la l�gitimit� � leurs demandes. C’est probablement vrai jusqu’� un certain point. Mais ce n’est pas ce qui importe r�ellement. Les terroristes, par les m�thodes d’action qu’ils ont choisies, sont d�j� sous les projecteurs des m�dias.
Cependant, il est essentiel de cr�er des conditions qui rendraient la mort d’un �tre humain extr�mement co�teuses pour les terroristes. S’il n’y a pas de mobilisation, la victime est condamn�e � venir augmenter les statistiques, � n’�tre qu’une unit� dans le sinistre compte des « pertes et profits ». Alors que parler des victimes, leur donner un visage, une identit�, r�duit la passivit� des populations - leur r�signation implicite - envers les crimes des terroristes. De m�me, mobiliser les populations en faveur des victimes r�duit la tentation des terroristes � ordonner des ex�cutions sommaires, � faire preuve de n�gligence ou � avoir la g�chette facile.
Dans cette perspective, le r�le de l’Etat est crucial. Soit il prot�ge les victimes et cherche � favoriser leur survie, soit il entre lui aussi dans le jeu des nombres. Aujourd’hui nous devrions envoyer un message clair aux chefs des Etats du monde entier : « Choisissez toujours la vie d’un �tre humain - devant tout autre consid�ration - car c’est la pierre angulaire de notre civilisation - c’est notre principe fondateur - et il doit �tre au c�ur de chacune de vos d�cisions quotidiennes ».
Il est clair que nos chefs d’Etat n’ont pas la capacit� d’agir partout, � chaque moment. C’est pourquoi nous ne devons pas attendre les bras crois�s que nos gouvernements agissent en notre nom. Nous avons tous un devoir. Nous avons tous, � un moment de nos vies, l’opportunit� d’aider quelqu’un. Rappelons-nous que o� que nous soyons, si nous pouvons faire une diff�rence, m�me pour un seul �tre humain, alors nous avons d�j� commenc� � changer le monde.
Dans cette guerre contre le terrorisme, fl�au de notre g�n�ration, tous ceux d’entre nous qui prot�gent les victimes sont confront�s au m�me dilemme : faut-il choisir d’agir par la force, ou faut-il donner la priorit� � la n�gociation. Il n’y pas de r�ponse simple. Mais heureusement il existe une r�gle pour nous guider : fonder nos actions non pas sur des int�r�ts, mais sur des valeurs.
Ce qui s’applique � nous en tant que citoyens, s’applique - tout autant - � nos gouvernements. Et il y a une valeur � laquelle nous ne pouvons renoncer sans nous trahir nous m�me : cette valeur, c’est la libert�. Devant le terrorisme, cet imp�ratif absolu doit se traduire par un cadre conceptuel pr�cis : personne ne peut-�tre sacrifi� sur l’autel de l’Int�r�t de l’Etat.
Si la vie et la libert� d’un �tre humain recquiert l’ouverture d’un dialogue alors nous devons entrer en dialogue - m�me si c’est avec des terroristes. Je sais que cela peut para�tre peu intuitif dans le monde d’aujourd’hui. Mais la vie n’a pas de Prix. On ne peut pas attendre des victimes qu’elles portent sur leurs �paules le poids de la guerre contre les terroristes. Ce sont les terroristes qui doivent porter le poids de leurs crimes.
Ce n’est pas en refusant le dialogue que nous parviendrons � dissuader les terroristes. C’est plut�t en faisant de leur envoi en justice une responsabilit� internationale que nous r�ussirons � les miner. Ainsi, il doit �tre clair et net que le dialogue et/ ou les n�gociations, ne peuvent pas �tre un passeport pour l’impunit�.
Enfin, il y a une question... qui, je dois l’admettre, me hante : combien de temps encore allons-nous nous voiler la face sur le fait que le terrorisme est une entreprise lucrative qui enrichie de nombreuses personnes dans le monde ? Comment pouvons-nous continuer d�ignorer le lien structurel �vident entre le terrorisme et le trafic de drogue, entre le terrorisme et le trafic d’armes, entre le terrorisme, la prostitution et le trafic humain, entre le terrorisme et la corruption des gouvernements ? Vous me direz que cela ne concerne pas directement les victimes. Mais � chaque fois que nous intervenons dans le financement du terrorisme, nous diminuons son pouvoir � faire du mal et davantage de victimes. Je crois qu’au-del� du soutien aux victimes, nous devrions travailler dur � faire en sorte qu’il n’y ait plus d’autres victimes � l’avenir.
Que nous le voulions ou non, il sera un jour n�cessaire de faire la lumi�re sur toutes les d�cisions “politiquement correctes” que nous prenons quotidiennement, des d�cisions par�es de droiture, mais qui en r�alit�, ne font que favoriser les agissements cach�s des r�seaux terroristes.
Mr. Ban Ki-Moon, je vous encourage � ouvrir ce d�bat, le monde en a affreusement besoin.
C’est pour cette raison que je suis venue de fa�on tr�s urgente devant vous aujourd’hui. Je suis certaine que nous pouvons faire plus qu’aider. Nous ne devons jamais accepter que le silence devienne une strat�gie. Nous devons sortir avec une r�ponse aujourd’hui, maintenant, imm�diatement.
L’antidote de cette cruelle impasse est l’action. Le destin des victimes du terrorisme se place au dessus de toute affaire politique. S’il n’y a pas de volont� politique, il n’y a rien. L’existence de cette volont� d�pendra de notre capacit� � r�compenser ces leaders qui n’h�sitent pas � risquer leur popularit� et qui finissent par payer, du fait de leurs actions, un prix politique.
Les d�bats et les r�flexions qui commencent aujourd’hui doivent nous permettre d’ouvrir la voie vers un monde meilleur, un monde o� le courage de ceux qui sont libres et ont le pouvoir d’agir, peut r�pondre � l’appel silencieux de ceux qui souffrent.
Au nom de ceux qui sont toujours encha�n�s, je vous implore aujourd’hui d’�couter votre c�ur, de ne pas oublier que notre monde a un grand besoin de compassion, de tendresse et de g�n�rosit�. Nous devons confronter la haine et la barbarie du terrorisme aux valeurs supr�mes de l’Humanisme et de l’Amour. La r�ponse � la d�vastation et au d�sespoir caus�s par le terrorisme est � trouver, non pas dans les abysses de la violence et de la revanche, mais dans les tr�sors de l’�me humaine.
(Traduction : Juliette Lazeras Collectif Agir avec Ingrid)
ENGLISH
Just over two months ago I was chained to a tree. My torturers treated me and my companions without compassion. Their daily cruelty showed us the worst of what man is capable of. Since the day of my liberation, I have felt that the miracle of being alive and free, gave me a responsibility towards those whom I left behind in the depths of the jungle, exactly 69 days ago today. This is why it is my duty to speak out for them, for those who have lost their voice.
At this very moment in time, their fate is uncertain, no-one can foresee their day of liberation. The passing of every minute adds to their ordeal. For when you are held captive you only look at your life backwards to sum up the days of your suffering ; you do not look to the future, for the future no longer belongs to you.
I was profoundly moved when the Secretary General of the United Nations, Mr. Ban Ki-moon, invited me to join you here today. I accepted his invitation without hesitation, because, deep down, I know that I can never be truly free until those I have left behind are also free.
I come before you today with much humility, for I know only too well that I arrive with empty hands, loaded with the weight of too many questions, and too few answers. Yet I will share with you my experience and thoughts, in the hope that together we can work towards putting an end to the suffering of victims of terrorism throughout the world.
When you are a victim of terrorism, you enter a different space, another dimension. In an instant, you lose everything.
For a victim of terrorism, the greatest danger of all is to be forgotten. Trapped within a world that exists outside the law, a world without rights, without protection, your only recourse is moral resistance. And you can only find the strength to resist if you are supported by the voices of those “outside”, those who fight for your rescue.
The families carry the flame and protect the victim against that all so painful “little death” of being forgotten. Their commitment is vital. We must support the wives, husbands, children, mothers and fathers of the victims. We must stand by them, hold them up, give them security - this must be at the forefront of all our actions. It is a simple fact that when an individual is sacrificed to the machinery of terrorism, his life stops, he can no longer act or be productive. His disappearance has the immediate consequence of leaving his family in need. You see, the drama of terrorism is a play with many acts. After the sudden blow of violence, comes the loss of a home, the difficulty of obtaining health care, the disruption or complete stoppage of the children’s education, and finally the unending accumulation of debt.
There is no greater suffering for a hostage, already subjected to abuse, despotism and isolation, than to watch, completely powerless, the disintegration of his family. I believe that inside every one of us lies the strength to bear our cross, but the suffering that our situation causes to those we love, is simply unbearable.
It is our duty to recognize the victims under International Law and create an “International Status” for them.
Firstly, this status will enable us to centralize information about each victim so that at any given moment we can know who they are and what they are going through - information that can be made available, for example, on a UN website. As we all know, access to information is strategic. Too many totalitarian states hide the reality of victims of terrorism in their country in order not to be accountable for them to the world. The centralization of data on a worldwide level will mean that significant pressure can be exerted on behalf of the victims. Exposing to the world the reality of their ordeal is the best way to fight against indifference and abandonment.
Secondly, if someone is officially recognized as a “victim of terrorism” by the United Nations, this person could benefit from the sponsorship of a state, of a town, of an organization, to follow his case and support his family. Each country within the United Nations would be able to develop legislation to protect the families and to stir up consciousness.
When I was in the jungle, I had a face and I had a name. I am now asking we do the same for those who stayed behind. I will never be able to thank enough the thousands of people who campaigned on behalf of my release and the release of my fellow hostages. They gave me that face and that name. These people made us — the victims — a part of their daily lives, relentlessly inventing ways to fight against apathy and resignation. They undertook a thankless and difficult task ; they worked like ants in the harshest of deserts : that of indifference.
If I survived, it is thanks to them. In the despair of captivity, I arose every morning at 4 am to listen, on my beat up, old radio, to my mother who sent me messages. Through what I could glean, I began realizing the unbelievable efforts being undertaken by complete strangers on our behalf. Creating an official status for victims of terrorism will help multiply the efforts of all those who, selflessly and generously, want to help others. It will also be a way of reassuring the thousands of anonymous victims that they still belong to the human world, and that their families have the right to speak out and the right to be heard.
For this right to speak out is not always easy to ensure. Victims of terrorism often fall into a difficult category, their struggle is not always “politically correct”.
Since terrorist action always seeks to cloak itself in political or religious justifications, to fight for the victims is - de facto — to take sides. It means being pulled from the comfort zone of neutrality and being engaged in a struggle that is overwhelming and way beyond them, that they can neither understand nor control. We must find a way to preserve their independence, to protect them from partisan and/or religious opportunism or fanaticism.
Giving a platform to the families provides a veritable lifeline to those who are trapped. The role of the media here is crucial. By calling for a worldwide reflection of our responsibility towards the victims, we are also sounding an alarm regarding the role of the media. There is an urgent need for the media to acknowledge not only their power of mobilization, but also the very real impact they can have in saving individual lives.
This of course gives rise to a fundamental question : is the media exposure of a victim a good thing or a bad thing ? My answer on this is unequivocal : media coverage is absolutely essential. Indeed some people think that speaking out about victims is just giving a helping hand to the terrorists. Others think that it is “playing their game”, lending weight and legitimacy to their demands. This is probably true to some extent. But it is not what is truly important. Terrorists, by their chosen methods of action, are already under the media spotlight.
What is, however, essential is to create conditions in which the death of a human being becomes extremely costly to the terrorists. If there is no mobilization, the victim is condemned to becoming another statistic, a unit in a sinister accounting of “profit and loss”. In turn, to speak of the victims, to give them a face, an identity, reduces the population’s passivity - their implicit resignation -towards the terrorists’ crimes. Likewise, to mobilize the population in the victim’s favor reduces the terrorists’ temptation to carry out summary executions, to be careless or trigger happy.
The role of the State is critical in this perspective. Either it protects the victims and seeks to safeguard their survival or it too enters into the game of numbers. Today we should be sending a clear message to the heads of State throughout the world : “Always choose the life of a human being - over all other considerations -, for this is the cornerstone of our civilization - it is our founding principle - and it must be at the heart of each and every one of your daily decisions.”
It is clear that our heads of State do not have the capacity to act in all places, at all times. That is why we must not cross our arms and only wait for governments to act on our behalf. We all have a duty. We all, at some stage in our lives, have an opportunity to help someone. Let us be reminded that, wherever we may find ourselves, if we are able to make a difference, even for just one single human being, we have already begun to change the world.
In this war against terrorism which plagues our generation, all of us who protect victims are confronted with the same dilemma : do we choose acts of force, or do we give priority to negotiation. There is no simple answer. But fortunately there exists a rule of thumb, to guide us : we must act, not upon interests, but upon values.
That which applies to us as citizens, applies - just as much - to our governments. And there is one value we cannot renounce without betraying ourselves : that value is freedom. In the face of terrorism, this absolute imperative must be translated into a precise conceptual framework : no-one can be sacrificed on the altar of the Interest of State.
If the life and liberty of a human being requires opening a dialogue then we should enter a dialogue - even if it is with terrorists. I know that this may seem counter-intuitive in today’s world. But life has no price. The victims cannot be expected to carry the weight of the war against terrorists on their shoulders. It is the terrorists who must carry the weight of their crimes.
It is not by refusing a dialogue that we will succeed in dissuading the terrorists. Instead, by making it an international responsibility to bring them before justice, we will succeed in undermining them. Thus, it must be made loud and clear that dialogue and/or negotiations, cannot be a free pass to impunity.
Finally, there is a question ...that, I have to admit, haunts me : how long will we continue to turn a blind eye to the fact that terrorism is a lucrative enterprise that enriches many around the world ? How can we continue to ignore the clear structural link between terrorism and drug trafficking, between terrorism and arms trafficking, between terrorism and prostitution and human trafficking, between terrorism and government corruption ? You may say that this does not directly concern the victims. But every time we interfere with the financing of terrorism we are diminishing the terrorists’ power to harm and to make more victims. I believe that beyond supporting the victims, we should be working hard to see that there are no more victims of terrorism.
Whether we like it or not, one day it will be necessary to bring to light all those “politically correct” decisions that we make every day, decisions dressed in self-righteousness, but that in reality, only enable the inner workings of terrorist networks.
Mr. Ban Ki-Moon, I encourage you to open up this debate, the world is in dire need of it.
It is for this reason that I have come before you today with great urgency. I am certain that there is much we can do to help. We must never accept silence as a strategy for confronting the plight of the victims of terrorism. We must come up with a response today, now, immediately.
The antidote to this cruel deadlock is action. The fate of victims of terrorism is above all a political affair. If there is no political will, there is nothing. The existence of this political will depends upon our ability to reward those leaders who are willing to risk their popularity and pay a political price for acting.
The debates and reflections that begin today must permit us to open the way to a better world, a world where the courage of those who are free and have the power to act, can answer the silent call of those who are suffering.
In the name of those who are still in chains, I implore today that you listen to your heart, that you do not forget that our world is in great need of compassion, tenderness, and generosity. We have to confront the hate and barbarity of terrorism with the supreme values of Humanism and Love. The answer to the devastation and despair caused by terrorism is to be found, not in the abyss of violence and revenge, but in the treasures of the human soul.