OTAGE NIGERIA : TEMOIGNAGE - Frédéric DURAND, un marin de Lesconil (29), otage au Nigéria en 1996
14 ans après, des cicatrices pas complètement refermées...
En 1996, Frédéric Durand, grutier sur une barge au large du Nigéria, a été retenu quatre jours en otage. Le Ponant est venu raviver chez lui des blessures pas tout à fait cicatrisées. C’était en mars 1996. « On les a vus arriver, une centaine sur leurs pirogues. On a compris ». Frédéric Durand, qui habite aujourd’hui Lesconil (29), est grutier sur une barge. Pour rejoindre un champ pétrolifère dans le golfe du Nigeria, l’un des plus riches au monde, le navire doit emprunter une rivière. « Ils nous surveillaient. Et puis ils sont arrivés. Ils se sont d’abord attaqués au remorqueur qui nous tirait, et ça a été notre tour ». Deux fois, déjà, en 1993 et en 1994, Frédéric Durand a été arraisonné, l’espace de quelques heures, « pour qu’on emploie des gars à eux ou pour de l’argent », dans la principale zone de piraterie d’Afrique, avec la Somalie.
En position foetale
Mais cette fois, c’est plus sérieux, même si les revendications ne sont pas plus claires. Les « seize ou dix-sept » hommes à bord se cachent dans les cabines, entendent la fureur derrière les portes d’acier. « Ils avaient des barres de fer, des machettes, pas d’armes, mais cognaient comme des sourds sur les portes, qu’on avait réussi à bloquer. Là, tu flippes ». Cachant sa pudeur sous un grand sourire, Frédéric Durand raconte ces heures d’angoisse, « ces moments où tu revois ta vie, ta femme, tes quatre petits ». Parle aussi de « ce gars, un dur, un Terre-Neuvas qui était recroquevillé en position foetale à cause de la peur ». Les otages n’ont qu’une bouée de secours, « un téléphone satellite, qui nous a permis de lancer un SOS ». Mais les appels de la barge otage semblent muets, pour ceux qui y sont prisonniers. « Au bout d’un moment, poursuit Frédéric Durand, ils nous ont tirés vers la plage. De 100, ils sont devenus 300 à bord. Ils ont pris tout ce qu’ils pouvaient. C’était de la folie ».
Syndrome de Stockholm
Pourtant en quatre jours, la vie s’organise, un peu. « La nuit, ils prenaient des trucs pas humains. Alors le matin, ils étaient trop saouls pour réagir. Là, on pouvait sortir jusqu’à la chambre froide pour prendre de quoi manger ». Mais à midi, les assauts reprennent, crescendo. Pour les nerfs, l’épreuve est rude. Même si des clichés se vérifient. « Le syndrome de Stockholm, un otage qui se lie au ravisseur, j’y crois. Dans le fond, on les comprenait. Ils n’ont pas de boulot, plus de poisson à cause du pétrole... ». Mais le syndrome s’évanouit vite. « Quand ils ont vu la police arriver, ça a été le déchaînement. Ils ont tout cassé. Tout. Ils ont même essayé de mettre le feu. La, Stockholm ou pas, on n’a qu’une seule envie, c’est que ça cesse, quitte à ce que ça tire de partout ». Mitraille contre ferraille, la police libère vite la barge, « heureusement sans victimes, des deux côtés ». Douze ans après, Le Ponant vient raviver des cicatrices. « Quand j’ai entendu ça, j’ai revu ces images, ma femme, mes gosses... Et puis je pense à eux, à ce petit gars de Plomeur qui a une bonne tête. J’espère qu’ils vont s’en sortir, vite ».