Lors de la conférence de presse annonçant le concert de soutien en faveur de l’association Otages Du Monde, Fabrice Delloye, père des enfants d’Ingrid Betancourt, a répondu aux questions du public, venu nombreux au petit théâtre prêté par la ville d’Auray.
· Quelle peut-être l’action de l’Europe en Colombie ?
Fabrice Delloye : L’Europe a déjà une action. Son rôle en Amérique latine est considérable. Elle offre une aide importante avec la mise en place d’un plan multilatéral. Mais le Président colombien, Uribe, est un homme de droite voire d’extrême droite. Sa famille est à l’origine de la violence en Colombie. Elle est très liée au cartel de Medellin. Avant qu’Uribe soit élu président, il venait en France et en Europe en disant qu’il fallait mettre des moyens importants pour stopper le désespoir que vivait le pays. Une fois élu président, il est revenu sur le vieux continent. Il devait parler au Parlement de Strasbourg. L’hémicycle était plein à son entrée. Tous les députés portaient un foulard blanc, un signe très fort signifiant la paix et le deuil en Colombie. Lorsque Uribe s’est présenté, l’hémicycle s’est vidé, il ne restait plus que les partis d’extrême droite. La Colombie est le premier producteur de cocaïne au monde. C’est l’un des pays les plus corrompus et gangrené par des personnes qui détiennent le pouvoir. 60% à 70% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
· Que veulent les FARC ?
Fabrice Delloye : Les FARC n’ont pas de contact avec l’extérieur. Ils ont une vision du social complètement décalée par rapport à un pays en voie de développement. Il y a aussi le problème de l’ingérence. Ce n’est pas normal que l’Europe et la France dictent quelle politique doit faire la Colombie. Il appartient aux Colombiens de mener leur politique. Mais l’ingérence est nécessaire si les limites sont franchies. C’est le cas avec les problèmes de trafic de drogue et les kidnappings. En Colombie, les organes d’opinions sont contrôlés par le gouvernement. La famille de Santos, le vice président, détient El Tiempo, le plus grand journal, qui est la voix du pays. Chaque année, il y a 30000 morts et plus de 3 millions de déplacés ! La Colombie a pourtant signé les accords de Genève mais rien n’a changé. La mère d’Ingrid, Yolanda Pulecio s’interroge : « Qu’est-ce qui vous arrivent Colombiens ? ». Elle ne les reconnaît plus, ils vivent tous dans le silence et la peur. Chacun défend son pré carré car ils vivent dans la terreur. Mais le 23 janvier, il y a eu un rassemblement de 30 000 à 50 000 personnes sur la place Bolivar à Bogota. C’était la première manifestation populaire depuis des dizaines d’années. C’est pourquoi, il faut sensibiliser l’opinion publique et faire prendre conscience à la population de l’extrême gravité. Le président Uribe a fait voter une loi pour se représenter aux élections. Les comités de soutien dérangent, il faut continuer.
· Est-ce que la diaspora colombienne se mobilise ?
Fabrice Delloye : La diaspora n’est pas fédérée. Certains colombiens ont fui le pays pour sauver leur vie. D’autres sont partis chercher du pouvoir économique principalement en Europe et aux Etats-Unis. 6 millions de Colombiens à l’étranger, du Vénezuela aux Etats-Unis jusqu’en France. C’est une force considérable qui voudrait se fédérer pour participer à la vie nationale et faire valoir leur droit, notamment celui de retourner au pays.
Jonathan Boissay
Photo : Laurent Le Fur